Lorsque la pandémie nourrit le complotisme...

Publié le par Bernard Aubin

Depuis l’apparition du Coronavirus, points de vue et expressions sur les origines de la maladie, sur sa diffusion, sur l’efficacité ou sur les effets secondaires de ses traitements sont des plus divers. Et souvent contradictoires. Les réactions populaires face aux mesures imposées par le Gouvernement lui sont très majoritairement hostiles. Certains d’entre-nous contestent la pertinence du couvre-feu, explications à l’appui, et soulignent les incohérences de cette mesure. A l'inverse, d’autres réclament un confinement plus dur et plus long. D’autres encore réclament la levée de toute obligation. L’efficacité des différents vaccins, leurs conditions de distribution font également débats entre politiques et suscitent dans la rue des approches contrastées … L'arrivée des « variants » alimentent des débats déjà bien nourris.

 

Une chose est sure : les opinions divergent. Elles s’opposent même fréquemment lorsqu’il s’agit d’apprécier le contexte et les mesures qui entourent la Codiv 19. En revanche, il se dégage dans une frange grandissante de la population une unanimité sur le fait qu'on nous trompe, et peut-être même délibérément. Le Gouvernement ? Il agit forcément contre le peuple qu’il manipule à souhait pour préserver des intérêts occultes ou financiers. L’industrie pharmaceutique ? Elle vend du vent et s’en met plein les poches avec des vaccins trop récents pour avoir fait leurs preuves. Les chiffres des hospitalisations et autres réanimations ? Forcément trafiqués pour justifier les mesures des injustifiées. Les journalistes ? Forcément à la botte du pouvoir ! Les réseaux sociaux ? Pour certains, ils sont désormais les seuls à détenir la vérité !

 

La situation actuelle révèle à quel point les Français doutent de manière croissante de l’information qui leur est livrée, particulièrement lorsqu’elle revêt un caractère officiel ou professionnel. Faire preuve d’ esprit critique, examiner les faits, croiser les sources, n’est-ce-pas simplement faire preuve d’une rigueur intellectuelle qui s’impose lorsque nous souhaitons déjouer les pièges qui nous sont tendus dans la vie de tous les jours ? Douter d’une information, de la pertinence d’une décision, relève d’une réaction saine dans un monde où tout n’est que superficiel et communication institutionnelle.

 

En revanche, certaines réactions observées actuellement autour de la pandémie semblent plutôt relever de la contestation et l’opposition systématiques que du souci de rechercher la vérité. Au point même de mettre en doute la dangerosité du virus. Nous approchons là de la « théorie du complot », qui surgit de temps en temps dans l'histoire. Un universitaire anglais la définit ainsi : « un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste affectant le cours des événements afin d'obtenir ou de conserver une forme de pouvoir (politique, économique ou religieux) ».

 

Il semble qu'un nombre grandissant de citoyens crient systématiquement à la manipulation des esprits par le Gouvernement voire par les journalistes à des fins contraires à leurs intérêts. Comment en est-on arrivé là ? Il n’y a pas encore si longtemps, certains anciens considéraient que ce qui était « écrit dans le journal » était incontestable. L'éveil des consciences et le développement du libre arbitre n’expliquent pas tout. Une réflexion équilibrée ne peut ni ne doit mener à une contestation systématique. Sans quoi elle prendrait la forme d'un raccourci intellectuel contre-productif. Le contexte politique a sans doute joué un rôle significatif dans l'évolution des esprits...

 

Le Pouvoir politique, pour sa part, s’est complètement décrédibilisé. Arrivé à la tête du pays, Emmanuel Macron a multiplié projets de réformes et provocations. Il est si facile de modifier, voire de casser l'existant puis de s'en féliciter... Mais c'est face à une menace inédite que l'on mesure les qualités et capacités des dirigeants. Or, le Président et ses collaborateurs ont fait preuve d'un manque cruel d’anticipation face au virus. Les tâtonnements sur l’utilité du masque, les atermoiements sur la date du confinement, les approches parfois discordantes de certains responsables ont altéré la confiance en un exécutif déjà grevé par des mesures impopulaires.

 

L’impact de la pandémie sur le moral et sur l’économie aurait nécessité, pour être surmonté, une confiance inébranlable entre les citoyens et leurs dirigeants. Certes, des mesures ont été prises pour maintenir hors de l'eau un partie de l'économie. Mais quels crédits accorder à moyen terme à ceux dont la doctrine, les paroles et les actes ont justement fragilisé le pays ? A titre d’exemple, quels sont les suites concrètes du mea culpa du chef de l’Etat, qui s’était engagé à réimplanter en France les industries essentielles au fonctionnement et à l’indépendance de notre pays ?

 

Autre terreau du complotisme, les expressions diverses et variées des spécialistes sur l’attitude à tenir pour soigner les malades ou éradiquer le virus. Les plus connues portent sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Il y a les pour, avec à leur tête le très médiatique professeur Raoult, les prudents, comme le Ministre de la santé Olivier Véran, et les contre. Parmi eux les auteurs d’une étude anglaise publiée puis finalement dépubliée. De leurs côté, les américains mettait en exergue un risque de surmortalité lié à administration du médicament controversé. Difficile de se faire une religion lorsque des épidémiologistes, qui totalisent chacun au moins un quinzaine d’années d’études après le Bac, ne parviennent pas à établir le même diagnostic.

 

Reconfinement ou pas ? Aujourd’hui, nos décideurs soufflent le chaud et le froid. Nouvel argument pour les complotistes que le virus n’est pas à prendre au sérieux... ou que le Gouvernement recule face à une prise de conscience de la société. Certains mettront sur le compte de l'amateurisme toutes ces tergiversations... D'autres n'y verront qu'une adaptation des mesures en temps réel... Il est vrai que dans les pays soumis aux dictatures, ces mêmes opinions ne pourraient même s’exprimer. La Chine n’a pas longtemps tergiversé, non sans résultat… si là-bas, les chiffres ne sont pas trafiqués !?

 

En démocratie, les choses sont plus compliquées, mais c’est le prix d'une liberté qui nous est chère. L’avenir de cette valeur fondamentale de notre pays nécessitent de la part de nos dirigeants une attitude exemplaire plutôt qu’une obsession à réformer, provoquer et imposer des reculs sociaux. La marge de progrès est réelle. Reconnaissons cependant avec humilié que nos élus reflètent souvent nos propres personnalités. Sans quoi ils ne siégeraient pas là où ils sont.

 

Entre crédulité béate et complotisme, notre société se doit de placer le curseur au bon endroit. En France, plus de 80 000 décès ont été imputés au coronavirus. Près de 3,4 millions de personnes ont été infectées. Les complotistes expliqueront sans doute que les chiffres ont été trafiqués, que nous sommes tous manipulés, que les mesures prises sont exagérées. Ce ne sera pas forcément l'avis de ceux qui se sont retrouvés aux urgences entre la vie et la mort, ou qui ont perdu un proche. A notre échelle, sachons faire preuve de bon sens et de rigueur.

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C
Bien vu et bien dit Bernard : appelons un chat un chat dixit M Federspiel.Courage on gagnera.
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