Accident ferroviaire de Dudelange (Luxembourg) : une mise en cause du conducteur infondée et inacceptable.

Publié le par Bernard Aubin

 

Le 14 février 2017, deux trains entraient en collision au Luxembourg, à quelques pas de la frontière française. Il s’agit d’un "nez-à-nez", dans le jargon ferroviaire : la rencontre de deux trains de sens contraire sur la même voie. Un accident qui aurait dû être empêché par le fonctionnement des « Installations de Sécurité ». En effet, ces dispositifs interdisent normalement l’accès à une voie tant qu’elle est occupée par un autre train. A priori, l’installation aurait fonctionné… Mais seulement en partie…

 

Le conducteur du TER qui a franchi un signal effectivement fermé a-t-il été averti à l’avance des indications portée par le dernier panneau, bien au rouge, lui ? Car sur les rails, la signalisation ferroviaire n’est pas similaire à celle que rencontrent les automobilistes. Un train ne peut s’arrêter aussi rapidement qu’un véhicule routier. Alors, pour avertir un conducteur du « feu rouge », un « feu orange » est placé plusieurs centaines de mètres en avant. Cet « avertissement » donne l’ordre au conducteur d’être en mesure de s’arrêter avant le feu rouge. Un système vérifie, à bord du train, que le cheminot a bien observé le signal et a agit en conséquence. En cas de doute, le train s’arrête automatiquement. Quand ça marche...

 

Pour que le système soit opérationnel, il faut que l’indication « avertissement » parvienne bien aux automatismes de la locomotive. C’est bien là où le bât blesse. Du fait d’un problème technique, l’information n’est jamais parvenue à bord du train. Le signal était-il « au vert », « à l’orange »… Nul ne le saura jamais ! Les indications portées par les signaux sont enregistrées dans la « boite noire » du train… Mais seulement à condition qu’elles parviennent à bord, ce qui n’a pas été le cas pour le TER qui a percuté le train de fret.

 

Dans ces conditions, prétendre, comme le fait le parquet luxembourgeois « que l’accident a eu lieu notamment en raison de l’inattention du conducteur du train » relève a minima de la supputation. Et plus gravement de la volonté de faire endosser à un cheminot décédé dans l’accident la responsabilité du drame. Du premier jour d’enquête jusqu’à aujourd’hui, aucun fait concret n’a accrédité le fait que le signal placé à distance ait bien été porteur de l’ "avertissement". Rien n’a été enregistré, et le seul témoin est mort.

 

Que le parquet requiert un non-lieu relève de sa responsabilité, sachant que des carences techniques ont bien été révélées. En revanche, qu’il mette en cause la responsabilité du conducteur en l’absence de tout élément factuel prouvant cette thèse est pour le moins regrettable !!! C’est un euphémisme

 

Copie du communiqué officiel du Parquet Luxembourgeois

Le juge d’instruction de Luxembourg vient de clôturer l’instruction relative à l’accident ferroviaire du 14 février 2017 à Dudelange, dans lequel le conducteur du train TER 88807 (Luxembourg-Thionville) avait trouvé la mort. Après analyse des éléments réunis par le juge d’instruction, le parquet de Luxembourg a décidé de soumettre à la chambre du conseil près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg un réquisitoire de non-lieu à poursuivre.

L’instruction menée depuis le jour de l’accident n’a pas permis de rapporter la preuve de charges suffisantes que des infractions avaient été commises.

L’analyse des mémoires des enregistreurs d’évènements des trains ayant circulé sur le trajet a constaté un dysfonctionnement aléatoire et irrégulier pour quelques trajets du « crocodile » du signal SFAv Adm, la cause du dysfonctionnement se situant au niveau du contact monté sur le rail (pédale Silec) lié au « crocodile ». Il est dès lors établi que le « crocodile » n’a pas transmis d’impulsion électrique informant le conducteur qu’il venait d’ignorer le signal. Les raisons de ces dysfonctionnements aléatoires n’ont toutefois pas pu être déterminées malgré des tests en laboratoire effectués sur demande de l’Administration des enquêtes techniques (AET) du Ministère du Développement durable et des Infrastructures bien que ces tests avaient simulé un environnement correspondant le plus possible aux conditions météorologiques du 14 février 2017.

L’enquête n’a de même pas permis d’établir un manquement dans la planification ou l’exécution des mesures d’entretien et de contrôle du fonctionnement de la signalisation en général et du signal SFAv Adm en particulier.

Le système de répétition des signaux par contacts fixes de la voie « crocodile » avait été remplacé par les CFL sur leur réseau dès 2005 par un système plus performant, l’ETCS niveau 1 (European Train Control System). A l’époque de l’accident, ce système n’avait pas pu être mis en service sur la ligne Luxembourg-Thionville, étant donné que les véhicules moteurs des CFL n’étaient pas autorisés à circuler en France avec ce système en service.

Au vu de ce qui précède, le parquet estime qu’aucune faute en relation avec l’accident imputable aux CFL, ses dirigeants ou employés n’a pu être établie par l’enquête.

Il résulte néanmoins tant des conclusions d’un expert suisse que du rapport de AET, que l’accident a eu lieu notamment en raison de l’inattention du conducteur du train qui n’a, ou bien, pas vu ou pas réagi au signal avancé qui présentait un avertissement, ou bien n’a pas vu ou réagi seulement tardivement au signal principal.

 

 

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