SNCF : Pepy or not Pepy, that is not the question !

Publié le par Bernard Aubin

 

Pannes, retards, dysfonctionnements, conflits… Les Voyageurs sont exaspérés, à juste titre. On aurait pu espérer, de la part d’un Gouvernement qui se targue d’affronter les problèmes sabre au clair, un langage de vérité face à cette situation quasi-désespérée. Mais non, sa posture est la même que celle de ses prédécesseurs. Lorsque la colère gronde sur les quais, on convoque le président de la SNCF, une petite tape sur les doigts, et tout est réglé… jusqu’à la prochaine panne ! Etape suivant, des têtes qui roulent dans la sciure ? C’est ce que l’on pourrait traduire des récents propos de Guillaume Pepy. A la veille d’une énième convocation spectacle devant le Gouvernement, l’intéressé n’hésite pas à déclarer   « mon mandat est à la disposition du gouvernement ». Pepy sur le départ ? Rien n’est moins sûr… Car il faudrait alors lui trouver un remplaçant à la hauteur, et non un intermittent du spectacle.  Quelqu'un qui sera capable de gérer les conséquences sociales des profonds bouleversements imposés à l'Entreprise dès 2018. Et là, c’est sûr, ça va chauffer ! Plus ou moins fort, telle est la question !

 

L'hypocrisie autour des pannes devient insupportable, voire provocante. Fin stratège, Louis Gallois, l’ancien président de la SNCF, commanda un audit à l’université polytechnique de Lausanne. Non pas parce que la SNCF ignorait l’état déplorable de son réseau classique, mais pour lancer un cri d’alarme « objectif » et politiquement acceptable à sa tutelle. Les conclusions furent livrées en 2005 : le réseau classique est pourri, il est urgent d’intervenir et d’investir. Mais à l’époque, la SNCF ne pouvait compter que sur elle-même. L'Etat avait bien prévu un investissement de 15 milliards d'euros... financé par la seule SNCF déjà exsangue. Retour à la case départ. Selon un point d’étape établi en 2012, les choses avançaient cependant mais pas assez. La démission du Président de SNCF Réseau en 2016 illustra à merveille les difficultés à exercer le grand écart entre impératifs de sécurité et de ponctualité d’une part, et l'exploitation d’un réseau en phase terminale d'autre part. 30 ans de sous-investissements ne s'effacent pas en quelques années, de surcroît lorsque les caisses sont vides. Il faut l'admettre, et il faut l'assumer !

 

Si ce Gouvernement avait souhaité être trasparent, disons plutôt un peu plus honnête que ceux qui l'ont précédé, il se serait interdit les effets de scène élimés style convocation des présidents en cas de panne… Car quand bien bien même des têtes de présidents rouleraient cette fois dans la sciure, ces derniers fonctionneraient moins bien et le système ferroviaire ne s’en porterait pas mieux. Les pouvoirs politiques successifs ont délibérément attendu que le réseau ferré soit en phase terminale pour commencer à s'en inquiéter. Le réseau classique est délabré? Reconnaissez les faits ! Quand bien même des sommes faramineuses seraient-elles investies aujourd’hui dans la remise à niveau du réseau classique, les contraintes liées à l'exploitation du rail interdisent tout espoir d'une remise à niveau rapide. Non, on ne ferme pas une ligne du RER pendant 6 mois comme on le ferait pour rénover une ligne de campagne ! Quant à la "gestion Pepy"… Pepy n’est-il pas lui même l'incarnation même de ce que les Gouvernements successifs attendaient de lui ? Ceux-là mêmes qui derrière des discours écologiques de façade ont durablement asphyxié le système ferroviaire au profit de la route !

 

Etre dirigeant, décideur politique, c’est aussi avoir du courage. Le premier est de ne pas céder à la démagogie. La carrière d’Elisabeth Borne devrait lui faciliter la tâche. L’ex-directrice de la stratégie SNCF et Présidente de la RATP connaît bien l’origine des problèmes qui affectent le rail. Osera-t-elle avouer un jour qu’à la SNCF, quels que soient les plans et autres rustines mis en place, l’état de délabrement du réseau interdit toute amélioration à court terme ? Plaidera-t-elle pour la reprise de la dette de 44 milliards d’euros relative aux infrastructures par l’Etat, comme promis par l’un des représentants du candidat Macron lors de la campagne présidentielle et rendu obligatoire par une directive européenne datant de… 1991 ? Imposera-t-elle au président de la SNCF un gestion d'entreprise fondée sur une recherche de performances plutôt que de lui assigner en priorité des objectifs de productivité ? Osera-t-elle remettre en cause l'organisation  interne calamiteuse de l’Entreprise publique, fondée sur des modèles américains, au profit d’une gestion basée sur le bon sens et la recherche d'une qualité totale (et non de l' "efficience" !) au bénéfice du Client ?

 

Pas évident que le Gouvernement s’oriente dans cette voie. D’autant plus qu'il a lui-même totalement exclu la SNCF des débats sur les mobilités de demain (cliquez ici). Le sort de la SNCF se joue dans l'ombre. Des surprises nous attendent en 2018, et pas que des bonnes ! Alors, Elisabeth et les autres, continuez vos effets de scène. Faites rouler des têtes si vous le souhaitez. Démontrez ainsi que vous n’êtes pas meilleure que les autres, peut-être égale à ceux qui vous ont précédé… et peut-être même pire, d’ailleurs ! Les clients... et les cheminots s'en souviendront !

 

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