Ça se passe comme ça chez Mac’ SNEF !

Publié le par Bernard Aubin

 

Qui n’a pas pesté, un jour, de subir un retard de train sans être informé du pourquoi … ou sans savoir quand son train arrêté en pleine voie repartira… Si ponctualité et qualité de service figurent parmi les principales attentes des voyageurs, une autre et non des moindres peine à être satisfaite : l’information en cas d’incident. D’autant plus que la SNCF s’acharne, souvent avec le soutien des Régions, à supprimer les derniers interlocuteurs des clients : agents des gares ou contrôleurs à bord des TER. Certains affirmeront que ces derniers n’étaient pas toujours en mesure d’offrir aux clients les informations qu’ils attendaient. Et pour cause : sauf à être voyant, il est très difficile d’estimer le temps nécessaire au redressement des  dysfonctionnements tels les incidents caténaires ou des « accidents de personne » nécessitant la fermeture des voies le temps des constatations…

 

La SNCF invente la "self-info"

 

Vilipendée à chaque incident pour son déficit d’information, la SNCF a décidé de frapper un grand coup. Non, il ne s’agit pas de revenir en arrière, en restaurant la maintenance préventive qui limitait le nombre d'incidents. Il ne s’agit pas non plus de se doter du personnel en nombre suffisant pour redresser plus rapidement les dysfonctionnements ou informer au mieux des voyageurs de plus en plus abandonnés à eux-mêmes. La solution, Mac Donald’s l’a inventée bien avant l’entreprise ferroviaire : Le self-service. L'usager a besoin d'une info ? Qu'il la cherche lui-même ! La plupart des Voyageurs ne possèdent-ils pas un Smartphone ? Eh bien, qu'ils s'en servent ! D’ailleurs, certains le font déjà depuis des lustres et obtiennent parfois des élements dont les derniers contrôleurs à bord des trains n’ont pas eu connaissance… ce qui révèle un réel problème d’organisation interne…

 

La SNCF se félicite. 8 millions de voyageurs ont téléchargé son "appli" et elle en attend beaucoup plus. Ce programme, censé être opérationnel en temps réel, souffre encore de nombreuses lenteurs et n’est pas tout à fait abouti. Exemple : les retards de trains sont parfois annoncés… avec du retard. Les ruptures de correspondance, si elles sont signalées, ne sont pas pour autant prises en prises en charge par le système. Au client d’échanger son billet, même lorsqu’il est dématérialisé. Bilan : peut mieux faire ! En attendant de l'évolution de son  outil vers un "assistant personnel de mobilité", la SNCF a pris le parti de faire travailler les autres à sa place. Des startup en l’occurrence. Les données sont en accès libre, autant en profiter !

 

Les Voyageurs "coproducteurs de la qualité de service" ou les voyageurs invités à informer la SNCF du retard de ses trains !

 

L’Entreprise a donc lancé cet été un concours « Sprint information voyageur ». Le Président de la SNCF justifie ainsi cette initiative : « Il faut se dire que l'information voyageur est au même niveau d'importance que la sécurité. On ne peut pas la reléguer à une sorte de 'nice to have', c'est un 'must have'». Voilà donc la sécurité reléguée au même niveau que l’information. Brétigny, le retour ? Pour le reste, laissons à chacun le soin de traduire ce franglais qui pourrit notre langue. Finalement, six projets ont été primés dont l’application développée par RailZ, le "Waze" du train. Une initiative qui enchante Guillaume Pepy. Le numéro 1 de la SNCF estime en effet  que les voyageurs doivent être coproducteurs de la qualité de service : « c'est une idée géniale,on est sur le réel », commente le Président qui poursuit : « est-ce que le train est reparti ou pas ? Le voyageur, lui, le sait à l'instant 't' et il est le premier à détenir cette information ». « Waouh ! » pourrait-on aboyer, comme dans les séries américaines, pour rester dans le ton ! Les anciens cheminots, pour leur part, se retourneront dans leur tombe.

 

 

Et là, force est de constater que la SNCF bat Mac Do à plates coutures. Chez Mac Do, le client va déjà chercher son plat après avoir tambouriné sur un écran tactile. A la SNCF, il est désormais invité à « produire » sa bouffe ! Prochaine étape, assurer la conduite du train en cas de malaise du conducteur ? Non, mais pas loin. Car poussée à son paroxysme, la déclinaison ferroviaire de l’application routière « Waze » pourrait faire beaucoup mieux. Elle pourrait offrir en cas d'indicent et en temps réel, des alternatives au train. Et pas qu’en cas de retard, d’ailleurs, puisque la SNCF envisage d’offrir tous les jours des solutions de mobilité intégrée d’un point A au point B en s’appuyant sur d’autres modes de transports, y compris concurrents. Dans l’absolue, l’idée n’est pas forcément condamnable. Mais pour le train, et notamment les petites lignes, sa déclinaison pourrait être catastrophique. Le Gouvernement ne vient-il pas de promulguer un décret permettant aux Régions d’acquérir ces espaces… Leur transformation en coulées vertes en est d'autant facilitée.  Avec Macron, on ne perd pas de temps !

 

Les Voyageurs pianotent déjà à bord des trains, notamment en cas d’incident. Ce qui est normal et utile. En revanche, il s’agit bien là, pour la SNCF, de se défausser de ses missions et responsabilités sur le client. Ce dernier deviendra peu à peu deviendra acteur et bénéficiaire de sa propre information. D'ailleurs, l'appli SNCF interroge déjà le Voyageur sur la pertinence des infos reçues et l''invite à les ajuster au besoin.

A terme, le client sera-t-il contraint de recourir au Smartphone pour trouver des solutions alternatives en cas d’incident ? Si oui, tout bénef pour la SNCF : plus d’organisation lourde – et chère – à mettre en place pour gérer les petits aléas, plus de bus de substitution ni de taxis…Allons même plus loin dans la démarche intellectuelle : si les voyageurs bénéficient, en temps réel, de solutions pour contourner un train peu fiable, à quoi bon investir pour améliorer les performances du rail ? La SNCF ne cesse-t-elle pas de renier ses origines « ferroviaires », préférant se présenter comme un « Groupe » en charge de la Mobilité ? Au point que lorsque l’Etat organise un débat international sur les mobilités de demain, personne n’évoque la place du ferroviaire… et encore moins l’avenir de la SNCF (lire ici).

 

Ça se passe comme ça, chez Mac SNEF, pourrait-on résumer. Pour les Voyageurs, ce sera bientôt le système D… Certains en seront même satisfaits ! La petite vieille dépourvue de Smartphone ? Tout le monde s'en fout ! Il faut vivre avec son temps. Chez Mac Do, les clients bien formatés se servent eux-mêmes se rechigner  et rangent docilement leurs plateaux à la fin du repas. La SNCF leur propose d’aller plus loin, de participer à la préparation du repas, voire faire les courses si les denrées viennent à manquer. Pourquoi pas, après tout ?

Le paradoxe, c’est que Mac Do vient de réinventer… le service à table ! Waouh !

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G
J'ose espérer que le voyageur n'est pas le premier informé de l'état et du départ de son train... Il doit quand même y avoir un agent circulation, un conducteur et, qui sait, un agent en gare... Mais il faut reconnaitre que la SNCF n'est pas seule dans ce mouvement qui consiste à faire produire à ses clients les informations qu'elle leur doit et qu'elle leur a vendue : je crois même que cela porte un nom, l'uberisation !
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R
Salut Bernard, je ne suis pas mort mais je me retoune quand même; crois tu qu'il y a encore des "cheminots" dans les grandes directions de l'entreprise.
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