Assises de la Mobilité, attention, DANGER !

Publié le par Bernard Aubin

 

Le Gouvernement lance ce 19 septembre les « assises de la mobilité ». Ces rencontres devraient rassembler élus, associations, entreprises, ONG, citoyens avec pour but d’accoucher dès décembre 2017 d’une nouvelle loi sur la mobilité des transports. Elle remplacera la dernière qui date de décembre 82 (Loi d’Orientation de Transports Intérieurs promulguée sous… Mitterrand). Pour mémoire, c’est cette « LOTI » qui modifia le statut de la SNCF de société d’économie mixte en Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial. Cette loi consacra également le monopole de la SNCF sur le transport régional de voyageurs. Une position désormais compromise par la législation européenne.

 

Les adeptes de la pensée positive, les amateurs d’échanges divers et variés, les bobos des transports et d’ailleurs apprécieront sans sourciller cette initiative visant à jeter sur table de nouvelles mobilités, de meilleures perspectives d’articulation entre modes de transports, une volonté de se réconcilier avec les besoins du quotidien, la fin du tout-TGV, et peut-être la  promotion de véritables perspectives de « développement durable ». Nul ne doute que les différents acteurs des transports défendront avec franchise et pugnacité, pour la énième fois,  leurs projets et ambitions.

 

Mais un examen plus terre à terre des grand’messes du même style devrait calmer les ardeurs. Car derrière les belles intentions, celles qui sont affichées, se dissimulent souvent des stratégies, des idées d’ores et déjà arrêtées, des ambitions bien différentes que celles qui sont exposées, des problématique existentielles ou égotiques. Ou tout simplement la volonté de dresser une façade devant une déréglementation des transports, validée et plébiscitée au niveau européen, par les mêmes qui ceux-là mêmes qui nous rebattent les oreilles avec le "développement durable".

 

Rappelez-vous. Il y a tout juste 10 ans,  Jean Louis Borloo, Ministre de l’Environnement en quête de notoriété et de reconnaissance, lançait le « Grenelle de l’Environnement ». Chacun allait pouvoir s’étendre sur des objectifs d’amélioration de l’environnement, sur les perspectives de réduction des gaz à effet de serre,  sur l’ « efficience énergétique »,… 6 groupes de travail furent créés, puis réunis en atelier. Des lois ou aménagements législatifs furent promulgués… Une petite plaisanterie qui amusera plus ou moins la galerie durant 3 ans. Ah oui, les objectifs fixés à l’issue de ces centaines d’heures de réflexions étaient pour le moins ambitieux.

 

Le Grenelle prévoyait notamment un report modal de 25 % en faveur des transports les moins polluants (ferroviaire, fluvial…). D’ici 2020, 2000 kilomètres de LGV devaient être construits, suivis d’une seconde phase de 2500 kilomètres. Soyons fous ! Le montant des investissements devait atteindre 440 milliards d’euros à l’horizon 2020. 535 000 emplois seraient créés ou maintenus dans les transports. Un véritable rêve pour les bobos des transports. Mais  un délire pour tous ceux qui gardaient les pieds sur terre. La plupart de ces projets se sont rapidement révélés totalement infinançables. Ils relevaient au regard des comptes publics de l’époque, puis de la crise, de l’utopie la plus béate. Le pire reste à venir. Car, en réalité, tout ce fatras médiatique dissimulait une stratégie bien ficelée. Pendant que les uns étaient occupés à gesticuler, et que d’autres les admiraient, le ferroviaire subissait un dépeçage organisé.

 

Hasard du calendrier, la SNCF annonçait, presque jour pour jour lors du lancement du Grenelle, la fermeture de plus de 200 gares au trafic fret. Le bon sens aurait exigé un moratoire, au moins le temps de conclure les débats, ne serait-ce que pour préserver les apparences. Ce ne fut pas le cas. La SNCF en avait assez de financer, sur son endettement, le déficit grandissant de sa branche fret. Placée en condition de concurrence déloyale face à la route et aux opérateurs ferroviaires privés, elle en avait été réduite à gérer, seule, le déclin de sa branche marchandises.  Le Grenelle ne s'est guère attaché aux effets de la dérégulation des transports. Et pour cause. Ses initiateurs en ont été les promoteurs. Bilan, depuis le Grenelle, quelques 7500 postes de 7500 cheminots ont disparu au fret. Le nombre de wagons isolés à été divisé par plus de trois. Une cruelle illustration de la différence entre l'affichage et la réalité.

 

Vint ensuite le tour d’une nouvelle grand’messe, assortie d’autres ambitions cachées. En 2011, le nouveau Ministre de l'Environnement, Nathalie Kosciusko Morizet, lance « les assises du ferroviaire ». Ce débat national doit aborder le modèle français au sein de l’Europe, sa gouvernance, son modèle industriel, les filières industrielles… Mais comme souvent, ce genre de rencontre ne sert qu’à habiller puis à valider des décisions arrêtées d’avance. Cela faisait longtemps que la SNCF avait travaillé au nouveau mode de gouvernance du système ferroviaire français. Ses dirigeants avaient de longue date envisagé cette fameuse "harmonisation sociale" des règles de travail des cheminots publics et privés (hélas pas vers le haut !). Il ne leur manquait que la caution, offerte par un débat public. Grâce aux assises, c'était chose faite. Bien joué ! Soulignons qu'à l'époque, un syndicat de la SNCF, et non des moindre, sauta à pieds joints dans le piège tendu par la SNCF : Il se venta longtemps d’avoir réclamé... et obtenu la tenue de ces assises  !

 

On passera sur la COP 21, du même tonneau que toutes ces rencontres. Demain, les « assises de la mobilité » du gouvernement Macron examineront à leur tour  les modes de déplacement d’avenir. Selon la recette qui marche, ces rencontres réuniront une nouvelle fois les acteurs et décideurs censés échafauder les mobilités de demain. A l’inverse du Grenelle, les chiffres, cette fois, sont cruels et limitent les délires : sur les 18 milliards programmés en faveur des infrastructures de transport sur 5 ans, seuls 11 sont financés à ce jour. Mauvais début ! Assistera-t-on au retour de la taxe poids lourds ou autre taxe carbone ?… Derrière ces contingences financières se cachent d’autres problématiques, notamment l’adaptation de la SNCF et de son personnel à la dernière phase d’ouverture du réseau à la concurrence. Et plus globalement, le rôle et l’avenir de l’opérateur historique. Des sujets qui devraient être écartés des débats

 

Il serait naïf de croire que le gouvernement n’a pas d'ores et déjà phosphoré sur ces sujets délicats et essentiels… L’on se rappelle d’ailleurs des propos récents et scandaleux du Président de la République, proposant aux cheminots de reprendre une partie de la dette infrastructures attribuée en 2014 à SNCF Réseau,  en contrepartie de nouveaux efforts de productivités. Une façon de demander au personnel de la SNCF de contribuer au renflouement d'une dette... de l'Etat !

Comme par le passé, ces "assises"  serviront peut-être, le moment venu, d'alibi à la mise en oeuvre d'orientations et de décisions déjà arrêtées… ! La plus grande vigilance est de rigueur.

Assises de la mobilité, attention, danger !

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