Trains paralysés en Gare de l’Est : sabotage ou "simple" acte de malveillance ?

Publié le par Bernard Aubin

 

Sabotage ! Depuis hier, ce mot est dans toutes les bouches : celles des dirigeants de la SNCF comme  celles des Ministres. Les premières constatations laissent évidemment penser que les déprédations  commises sur les "installations de sécurité" de la SNCF dans un lieu isolé, non surveillé, auquel les auteurs du délit ont accédé sans effraction, relèvent du bien du « sabotage ». Un acte mûrement réfléchi, planifié, que certains n’hésitent pas à mettre sur le compte d’ « initiés », dans cette période sociale plus au moins perturbée…

La précipitation est mauvaise conseillère

Sur la forme, cette affaire en rappelle une autre. En 2008, plusieurs TGV s'étaient trouvés bloqués en pleine voie, le même jour, sur des lignes différentes. Des crochets avaient été posés sur la caténaire (fil d’alimentation des trains). Au passage des premiers TGV, le pantographe des trains se prenait dans ce dispositif, le trainait sur plusieurs centaines de mètres et arrachait la caténaire au passage. Les politiques n’avaient pas hésité à qualifier cet acte de "terroriste". Par ailleurs, la mise en place de ce dispositif bien élaboré sur une ligne alimentée en 25 000 volts démontrait une parfaite maîtrise du risque de la part des intervenants. De quoi tourner certains regards vers le monde des cheminots. Au final, l’enquête ne permit pas d’identifier les coupables… En aucun cas, la vie des Voyageurs n’avait été menacée. Le temps a mis en relief la démesure et l'inadéquation des superlatifs employés à l'époque : le qualificatif "terroriste" en particulier.

Concernant l'indicent qui paralyse ou ralentit les trains de la gare de l'Est, l'hypothèse du "sabotage" est largement privilégiée. Mais est-ce réellement un "sabotage" ou seulement l'un des innombrables actes de malveillance qui perturbe la circulation des trains chaque année ? L’enquête nous le dira… peut-être. Une fois de plus, la précipitation est mauvaise conseillère. Posons-nous les bonnes questions avant de conclure. Pourquoi un "saboteur", voire un "initié" se conduirait-il en amateur, se limitant à brûler çà et là quelques câbles alors qu’il existe mille et une manières de paralyser durablement le trafic sur une ligne ? Peu probable.

Quant à la commission de l’acte, il est bon de s'interroger sur l'impact politique réel d'une telle action. Quel serait, en termes d’image, le bénéfice d’une opération qui jette immanquablement l’opprobre sur ses auteurs ? La piste de syndicalistes ou de cheminots cassant leur propre outil de travail est donc plus qu’improbable. Parce qu'elle ne relève pas de la culture d'entreprise et surtout parce que l'initiative serait contre-productive.

La piste des « ferrailleurs » également écartée

La SNCF est victime de vols de cuivre qui causent chaque année plusieurs milliers d’heures de retard aux trains. La facture des réparations se chiffre en dizaines de millions d’euros. Les voleurs opèrent presque de la même manière que pour les dispositifs brûlés récemment : ils soulèvent les couvercles des chemins de câbles qui longent les voies pour accéder aux fils électriques. L'analogie s'arrête là. Car les câbles sont découpés, acheminés, en lieux sûr, et seulement brûlés à ce moment pour récupérer le cuivre. L’hypothèse des « ferrailleurs » peut donc être totalement exclue dans le cas de l’incident de la Gare de l’Est.

Mise en danger de la vie d’autrui ?

Bien malin celui qui pourra prédire le comportement des installations de la SNCF lors de la destruction des câbles. Point rassurant : tous les dispositifs ont été élaborés pour provoquer l’arrêt des trains en cas de dysfonctionnement. En clair, quand quelque chose ne marche pas, les feux passent au rouge, tous les trains s'arrêtent. Mais bien malin sera celui qui pourra anticiper les conséquences de courts-circuits provoqués par le feu. Si la sécurité des trains reste assurée dans 99,99 % des cas, le risque zéro n’existe jamais. Les déprédations causées volontairement sur les « installations de sécurité » de la SNCF relèvent donc effectivement, sur le plan pénal, de la « mise en danger d’autrui ».

Pour le reste, véritable sabotage ou acte de malveillance ? L’enquête nous le dira. Mais de grâce, pas de précipitation.

Extrait de mon interview sur France Info (25/01/23 à 6h20)

 

https://twitter.com/i/status/1618118887303700480

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