Respect de la distanciation sociale dans les trains : la grande illusion

Publié le par Bernard Aubin

 

De l’aveu même du Premier ministre, la reprise dans les transports, « c’est ardu ». Nul des besoin de sortir de Saint-Cyr pour le comprendre…

Aux heures de pointes, RER et autres métros sont déjà bondés en temps normal. Les TER aussi et les TGV sont pour la plupart bien fréquentés. Imposer une distanciation sociale dans ces conditions relève du rêve ou plutôt du cauchemar. Nos décideurs font pourtant mine de s’accrocher à cette illusion. Plus pour sauver les apparences, sans doute, que par réelle conviction. Car soit on limite le nombre de voyageurs à bord des trains (sur quels critères choisiraient-on ceux qu’on laisserait prendre le train et les autres qui resteraient à quai ?), soit on multiplie par 4 le nombre de circulations pour permettre la distanciation… Deux approches toutes deux hors de portée.

De doux rêveurs évoquent alors des moyens de transports alternatifs, dont le vélo. Le Transilien, c’est près de 4 millions de personnes transportées par jour… C’est plus encore pour le métro… En tout plus de 10 millions de voyageurs quotidiens… Il en faudrait, des bicyclettes en Île de France, pour désengorger les transports en commun…

Autre idée, le lissage des horaires de travail sur la journée. Encore faudrait-il que les employeurs s’inscrive dans cette démarche qui, au passage, ne réduit pas pour autant le nombre d’usagers. Heureusement, il reste le télétravail mais son impact risque aussi de demeurer marginal.

Nos brillants technocrates ne s'avouent pas vaincus pour autant. Ils souhaitent étendre la réservation obligatoire qui existe  dans les TGV aux autres trains. Ceci pour ménager des espaces entre les voyageurs. Pour la Grande Vitesse, pas de problème technique majeur mais un problème économique : avec autant de clients en moins, la circulation de chaque TGV infligerait des pertes à la SNCF. L'Entreprise est déjà dans une situation économique dramatique. Mais cela ne semble guère émouvoir le Gouvernement.

Selon lui, ce type de réservation devrait donc s’étendre aux autres trains, Intercités et TER… Sauf que l’outil informatique de la SNCF ne le permet pas, il n’a pas été conçu pour ça. De plus, les places ne sont plus numérotées dans le matériel roulant moderne. C'est ballot ! Et oui, la tâche est « ardue », peut-être même hors de portée !

Le déconfinement a fait l’objet d’une réunion au ministère de la Transition écologique et solidaire en présence du ministre, Elisabeth Borne, le 21 avril. Cette dernière déclara à l'issue de la réunion : « La priorité, c’est que puissent reprendre le travail ceux qui ne pouvaient pas y aller ces dernières semaines ; donc d’abord par les transports de proximité, les bus, les RER, les TER en région». Un chantier considéré comme "titanesque" par les opérateurs. Depuis, la SNCF a demandé et obtenu le port du masque obligatoire.

Mais comment s’assurer de la mise en oeuvre de la mesure dans les 3500 gares françaises dont une bonne partie sans personnel ? Quelle attitude adopter à bord des trains  vis-à-vis des personnes dépourvues de masques ? Comment assurer la protection du personnel, éviter la promiscuité entre clients et personnels limiter les risques de contamination de part et d'autre...On se gardera d'évoquer le casse tête chinois que représenterait la désinfection fréquente et efficace des rames.

Le Président de la SNCF lui-même expliquait au Sénat que  « si on laisse 1,50 mètre entre les passagers, cela veut dire qu’en mettant 100% de notre offre de trains habituelle on ne pourrait transporter que 20% de notre trafic normal. Donc ça ne marche pas ! ». Ajoutons que la reprise sera progressive. Au début, il faudra donc caser 100 % des clients dans 25 % des trains… Cohue et émeutes en vue. Même masqués, tous risquent de se contaminer allègrement, sur les quais comme dans les trains. Edouard Philippe a dit "ardu". En effet !

Tout cela pour conclure que des solutions à la fois sûres et applicables, pour les trains et les métros,  ça n’existe pas. Autant se l’avouer franchement plutôt que de vivre dans l’illusion. Faudra -t-il "vivre avec le virus" ? Peut-être même en mourir ? Rester confiné des années encore ? Cette pandémie nous confrontera bien vite à nos responsabilités individuelles et aux conséquences de nos décisions, dans les transports comme ailleurs.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article