Retraites :  « La CFDT en a rêvé »…ou comment le Gouvernement plante ses partenaires

Publié le par Bernard Aubin

 

Qu’attendre de ceux qui ont trahi leurs proches pour accéder au pouvoir ? Qu’ils trahissent encore bien évidemment. C’est l’une des raisons pour lesquelles les français n'accordent plus la moindre confiance à leur Gouvernement, notamment lorsqu'il s’engage à réformer les retraites dans leur intérêt et notamment à maintenir la valeur du point. Cette fois, le Gouvernement en rajoute même un couche.

Nul ne l'ignore, la CFDT est historiquement favorable à la retraite par point et à la disparition des Régimes Spéciaux. Cette position avait été contestée par sa branche cheminote en 1995, occasionnant le départ de très nombreux adhérents qui, pour l’occasion, avaient fondé Sud-rail. Cette orientation confédérale, de même que l’accompagnement quasi-systématique des toutes les réformes, oblige souvent la branche ferroviaire du syndicat à pratiquer le grand écart… jusqu’à  rupture des ligaments.

Depuis 95, les mentalités ont changé. La CFDT est progressivement devenue le premier syndicat de France. Retourner sa veste toujours du bon côté suscite l'adhésion. Mais aujourd'hui, l'idylle entre Gouvernement(s) et syndicat(s) d’accompagnement semble plus fragile. Au point qu'un nouveau pas vers la trahison ait été franchi. Rappelons que, déjà sous François Hollande, ses équipes avaient « oublié » de prévenir la CFDT avant de lancer sa « Loi Travail ». Une omission qui avait provoqué une grosse colère de ses dirigeants.

Pire. En 2018, Emmanuelle Macron avait délibérément fait l’impasse de contacter la CFDT et l’UNSA avant et pendant la réforme de la SNCF, estimant cette démarche superflue et la victoire à venir d'autant plus savoureuse. Il avait du coup laissé les deux syndicats s’embourber dans une grève dont ils ne voulaient pas. Ils n’attendaient qu’une chose, ces pauvres  bougres : qu’on leur offrit un point de sortie. Raté. Et les voilà aujourd’hui enlisés dans une situation similaire, ou plutôt pire encore.

Cette fois, le Gouvernement et sa Majorité ont franchi une nouvelle étape, démontrant ainsi à certains que lorsque l’on joue avec le feu, on risque de se brûler. Ainsi les porte-paroles de Macron ont-ils révélé que la mise en place d’un âge pivot dans le cadre de la réforme des retraites, aujourd’hui contestée par la CFDT sans doute suite à la grogne de ses adhérents, était bien connue de son responsable Laurent Berger… ert de presque s’étonner de sa volte-face. Premier poignard dans le dos.

Second couteau dans le dos, ce matin, dans les « quatre vérités » sur France 2. Florian Bachelier  pousse le bouchon encore plus loin. Selon lui, cette réforme des retraites « la CFDT en a rêvé ». Pas sûr que les adhérents du syndicat n'y voient pas plutôt un cauchemar. Aujourd’hui, chacun a pris conscience de ce que cette réforme lui fera perdre. Et ce n’est pas fini ! Toujours selon le député LREM, le Gouvernement compte bien sortir de ce conflit avec l’aide des « syndicats responsables » que sont « UNSA, CFDT, CFTC » ! Un tel compliment, en de telles circonstances, n'avantagera peut-être pas les structures ainsi encensées  !

Aujourd’hui, deux solutions se profilent. Soit, dans le cadre d’une stratégie préalablement mise sur pied entre le Gouvernement et les syndicats d’accompagnement, l’âge pivot avait été défini comme un chiffon rouge… et un point de sortie du conflit, comprendre « je retire ce point d’achoppement pour valider tout le reste avec votre soutien ». Soit le Gouvernement estime que la mise en place d’un âge pivot fait partie intégrante de sa réforme. Point qui aurait le mérite de maintenir face à lui une certaine unicité dans le combat. Comme le mandat de Macron repose essentiellement sur un challenge visant à prouver qu’il réussit partout où les autres ont échoué, on peut privilégier la seconde solution.

Stratégie du Gouvernement et déroulement du conflit ressemblent à s’y méprendre à ce qui a été mis en oeuvre  à la SNCF. Avec un petit plus : la trahison ouverte et assumée des partenaires historiques. Prochaine étape, et elle a quelque peu débuté, la stigmatisation des grévistes… Le report sur eux de toutes les conséquences d’une grève dont les seules causes sont pourtant l’autoritarisme et l’autisme d’un Gouvernement.

Allez, quelques gesticulations encore… Et finalement quelques miettes lancées au syndicats d’accompagnement d’ici quelques jours. Histoire de conclure, toujours comme pour la SNCF, que « cette grève est incompréhensible » au regard des avancées obtenues. « Qu’il est temps d’arrêter car les usagers n’en peuvent plus ». « Que le conflit menace les intérêts de la France toute entière »…

Pas sûr que cela marche, cette fois ci ! Pendant qu’il envoie ses troupes essuyer les coups, l’autre fait le tour du monde… Comme lors du conflit des cheminots (lire ICI). Il est vraiment temps que cesse cette plaisanterie. Ou plutôt cette lamentable tragédie.

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