Grève 1995 – Grève 2019, similitudes et différences

Publié le par Bernard Aubin

Beaucoup se lancent dans une comparaison entre la grève de 95 et l'action qui débute ce soir. Des similitudes existent, en effet. Et des différences aussi. La première, c'est que notre société ne réagira peut-être pas d'une manière aussi tempérée qu'à l'époque... Devenue fragile, hétéroclite et privée de ses derniers repères, elle pourrait même sombrer dans le chaos... Ce que bien évidemment la majorité d'entre-nous ne souhaite pas.

 

 

Les similitudes 1995-2019

 

Les Hommes politiques aux tendances et comportements similaires

Ce sont presque les mêmes qu’il y a 25 ans. Emmanuel Macron et Edouard Philippe sont les fils spirituels d’Alain Juppé et en partagent la méthode : "je réfléchis seul, je décide sans concertation, j’applique, j'assume.... et j’en subis les conséquences". Autoritarisme, autisme, provocations jusqu'à la dernière minute : des marques de fabrique communes aux deux gouvernements.

 

Un contexte comparable

  • Des reculs sociaux qui s'empilent et qui viennent ternir promesses ou espoirs : en 95 comme en 2019, réforme des retraites, reculs sociaux (à l’époque hausse de certaines cotisations, déremboursement de médicaments…).
  • Un ras-le-bol général.
  • Un rapprochement public-privé exprimant les mécontentements à l’unisson
  • Une unité syndicale, hormis côté confédération CFDT favorable à la réforme tant en 95 qu'en 2019
  • Une opinion publique favorable à la grève.

 

Une situation tendue, fondée sur une accumulation de rancœurs

Les mobilisations qui se sont déroulées en 95 et celles qui s'annoncent sont et seront à la mesure des colères et humiliations ressenties : très importantes.

 

Les différences

Moins de pompiers pour maîtriser l’incendie

1995 : l'ampleur du conflit est inattendue, mais au final les actions demeureront bien encadrées. L’on a peut-être assisté à la montée en puissance de coordinations, mais au final, ce sont bien les syndicats conventionnels qui ont repris la main sur le mouvement. Ils ont notamment négocié, en tant que corps intermédiaires légitimes et reconnus, la fin du conflit.

2019 : cette fois, le mouvement du 5 a été organisé par les syndicats. Mais, paradoxalement, il risque de leur échapper. Cela parce qu’ils se sont ou qu’ils ont été fragilisés au fil du temps. Les syndicats ont été impactés par deux réformes qui leur ont été très préjudiciables. La première a modifié les règles de représentativité avec pour dégât collatéral de briser durablement l’unité syndicale (2007). La seconde, menée plus récemment par l’actuel Gouvernement, a réformé les Instances de Représentation du Personnel, éloignant les délégués du terrain et en diminuant drastiquement le nombre. Toutes ces mesures privent actuellement le Gouvernement de pompiers qui auraient pu maîtriser un éventuel embrasement général. Il risque aussi de le priver d'interlocuteurs reconnus, comme ce fut le cas avec les manifestations de Gilets Jaunes.

La société et les comportements ont changé

1995 : le ras-le-bol était prégnant, mais les manifestations sont pour la plupart restées bon-enfant. Les comportements radicaux faisaient exception.

2019 : Les réactions de la population sont désormais moins canalisables, plus épidermiques, plus virulentes. Les attentes sont hétérogènes, voire parfois contradictoires. La société française s’est fissurée. Devenue un véritable château de cartes, elle est fragile. Un tel conflit fait courir de gros risques à notre Pays. La montée des comportements radicaux laisse craindre une montée de violence dans le temps, voire un chaos généralisé.

Conclusion

La confrontation qui démarrera ce soir ne se limitera pas à un duel au premier sang. Les deux camps sont désormais contraints d’aller jusqu’au bout, car le malheur guette le perdant. Au final, ce sera ou "Macron démission", ou une avalanche de reculs sociaux sans précédent qui s'abattra sur les manifestants : « Ça passe ou ça casse ».

Le problème, c’est que l’on est plus en 1995. Et cela risque de casser pour de bon, au premier sens du terme. Le risque est important pour le Pays et pour ses habitants.

 

A lire ou relire, mon vécu de militant débutant lors de la grève de 95 : ICI

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