SNCF, guichets : retour au bon sens ou enfumage ?

Publié le par Bernard Aubin

 

Les guichets, un thème que je connais bien car précurseur de la défense du contact humain avec la clientèle (voir revue de presse de 2014 un peu plus loin dans ce post). J'étais alors responsable d'un syndicat de cheminots qui a pratiquement disparu à la SNCF, aujourd'hui remplacé par FiRST.

A l'époque, il était déjà question d'assécher artificiellement les guichets et de contraindre  les clients à focaliser leurs achats sur les nouveaux modes de distribution :  bornes libre-service, Internet. Dans les grandes gares, un nouvel agent, le "Conseiller Clientèle" était chargé d'intercepter le client pour l'orienter vers la première machine venue. Un cheminot "Commercial Voyageurs" qui par la-même était invité à se tirer une balle dans le pied.

Première expérimentation en 2004 à Metz. Et grosse campagne de presse contre cette initiative, promise à se généraliser à l'ensemble du réseau, avec à la clé des centaines de suppressions de postes. Très grosse colère de Guillaume Pepy, qui s'était déplacé dans l'Est de la France, pour inaugurer ce "Nouvel Espace de Vente"  lorrain, et qui n'a pas du tout apprécié que l'on révèle sa stratégie sur la place publique.

A l'époque, nos exigences étaient basiques... et fondées sur le bon sens : égalité d'accès, liberté de choix de tous pour l'achat des billets, vente de TOUS types de titres de transports aux guichets, préservation du contact humain... Un temps, et suite au tollé,  la SNCF avait rétabli la possibilité de vendre aux guichets des offres qu'elle avait déjà exclusivement réservées à Internet. Mais cela n'a pas duré. Pas l'Internet, pas de billets "Prem's" ! Aujourd'hui, pas d'accès à OUIGO non-plus !

Sur un plan plus "politique", les observateurs n'auront pas manqué de relever que les débats sur l'avenir des guichets ont récemment ressurgi,  à l’initiative d'un syndicat d'accompagnement qui en a fait son combat... Pourquoi pas ? La cause est noble et mérite d'être défendue. Sauf que l'avenir des guichets, si important soit-il, n'est qu'une préoccupation parmi tant d'autres des cheminots privés de boussole et d'avenir. Ca craque de toutes parts. Au Commercial Voyageurs et ailleurs !

L'intérêt subi et marqué du nouveau Président de la SNCF pour une affaire qui date d'une quinzaine d'années, alors que lui-même a traîné ses guêtres en tête de services Voyageurs sans jamais sourciller, a de quoi interloquer. Brusque prise de conscience ou volonté de calmer le jeu avant l'action du 5 décembre, qui pourrait se révéler explosive ?

Tout est bon pour faire retomber le soufflet. Offrir Une porte de sortie à certains syndicats qui se sentiraient invités par leur base de s'associer aux plus turbulents fait partie des renvois d’ascenseurs sympathiques. Macron, trop sûr de lui, avait décidé de s'en passer. Lors de la réforme de la SNCF, il avait récolté 35 jours de grève. Depuis, les Gilets Jaunes sont passés par là, Pepy est parti, la France est devenue une poudrière.  

Renouer avec des méthodes qui avaient fait leur preuve permettra-t-il de calmer les esprits ? Pas sûr... Mais si, au passage, on peut ré-humaniser quelque peu les gares... et pourquoi pas les trains aussi... pourquoi s'en priver ? C'est toujours ça de gagné ! Gardons cependant les yeux bien ouverts sur la réalité des enjeux !

 

Revue presse avenir des Guichets, 2004

AFP

16 août 2004, 12h53

SNCF: menace sur des "centaines d'emplois guichets" selon la CFTC

Des "centaines d'emplois guichets sont menacés" à la SNCF, a affirmé lundi la CFTC-cheminots en dénonçant la création par la direction du métier de "conseiller clientèle" avec l'ambition de "réduire à 30% d'ici 2010 le nombre de transactions effectuées aux guichets".

Selon un communiqué du syndicat, ces "menaces" sont contenues dans un "document interne" de la direction fourni au "conseiller clientèle" du "tout nouvel espace vente SNCF de la gare de Metz-Ville (Moselle), ouvert le 9 août" en préparation de l'arrivée du TGV-Est.

La direction de la SNCF, jointe par l'AFP, a "formellement démenti toute suppression d'emplois" dans ce secteur, tout en confirmant "la réorganisation du métier de vendeur" aux guichets à travers celui de "conseiller clientèle" avec "l'objectif d'améliorer le service aux clients".

Pour la CFTC, "derrière la création d'un nouveau métier, dont la mission sera en fait d'orienter les clients en priorité vers les distributeurs automatiques, se dissimule une grande ambition: réduire à 30% à l'horizon 2010 (contre 70% actuellement) le nombre de transactions effectuées au guichet".

Selon la CFTC, "aucune organisation syndicale n'accepte le concept de ce nouveau métier (et) le siège du conseiller clientèle de la gare de Metz-Ville est resté vide".Le syndicat a indiqué qu'il "a saisi l'inspecteur du travail sur la légitimité du nouveau métier" et qu'il "interpellera très rapidement" sur ce sujet le directeur général exécutif, Guillaume Pépy.

 

 

Libération

Les guichetiers de la SNCF s'accrochent à leurs billets

Les syndicats voient dans la promotion des distributeurs automatiques les prémices de suppressions de postes.
Par Mathieu DESLANDES

mardi  17 août 2004 (Libération - 06:00)

uUn siège vide. La scène se passe à la gare de Metz-Ville (Moselle), où la SNCF teste la mise en place du poste de «conseiller clientèle», le dernier-né de ses métiers. Pendant une semaine, jusqu'à hier matin, il est resté vacant. A cause d'un désaccord persistant entre la SNCF et les syndicats. Ces derniers s'inquiètent de la mission assignée aux conseillers : orienter les clients vers les bornes Internet, les distributeurs automatiques et autres «canaux de distribution économiques».

«Derrière la création presque anecdotique d'un nouveau métier, se dissimule une grande ambition : réduire de 70 à 30 % le nombre de transactions effectuées au guichet d'ici à 2010», dénonce Bernard Aubin, secrétaire fédéral de la CFTC cheminots. Et, une fois que la SNCF aura réussi à faire diminuer considérablement les ventes aux guichets, craint-il, elle n'aura plus qu'à supprimer des postes de guichetiers. «Des centaines d'emplois sont menacés, redoute Didier Fontaine, secrétaire fédéral SUD Rail. Mais leur disparition va être progressive : ces réorganisations seront mises en place au fur et à mesure de l'avancée des travaux du TGV Est.» La SNCF dément «toute suppression d'emploi». Les deux parties pourront s'expliquer dès demain : Guillaume Pépy se rendra en Moselle. L'occasion pour le directeur général exécutif de la SNCF d'entendre les guichetiers lui dire qu'ils refusent de «scier la branche sur laquelle ils sont assis». «Alors qu'ils vendent des billets depuis des années, relève Bernard Aubin, vous voyez les agents faire l'apologie de leur principal prédateur, le distributeur automatique ? Il y a comme un léger problème...»

 

 

Le Parisien (Aujourd’hui en France)

17 août 2004

 

SNCF : moins de guichets davantage d'automates

La SNCF souhaite augmenter le nombre de ses machines automatiques de vente de billets et réduire le nombre de ses guichets commerciaux. Testée en gare de Metz, cette formule est dénoncée par le syndicat CFTC.

 

PLACE à l'automatisation à la SNCF. Depuis le 9 août, le nouvel espace de vente de la gare de Metz est transformé en un lieu d'expérimentation de l'« automatisation des transactions » et a donné le jour à un nouveau métier très discuté à la SNCF, celui de « conseiller clientèle ». Situé à un point clé de la salle, le conseiller clientèle oriente les usagers du rail vers les guichets, prospectus et automates en fonction de leurs besoins.

Le « site pilote » de Metz n'est qu'une zone de test dont les résultats décideront du sort d'autres agences. Mais l'ennui est qu'en cas de réussite « la SNCF envisagera à terme de faire passer de 70 à 30 % le nombre de transactions effectuées aux guichets au profit des distributeurs automatiques et au détriment des emplois » affirment les cheminots de la CFTC.
« Des mesures déshumanisantes » Tandis que l'organisation syndicale, majoritaire sur le site de la Moselle, crie au scandale car « les prestations humaines sont menacées » et que « la marche à la déshumanisation des services est lancée », dixit
Bernard Aubin, secrétaire général adjoint de la CFTC en Lorraine. La SNCF, au contraire, estime « qu'il s'agit de valoriser le potentiel de services du groupe et que la qualité et l'accueil s'en trouveront améliorés ». D'un côté l'emploi, de l'autre le client. Même en reconnaissant le bien-fondé des deux argumentaires, force est de constater, à l'instar du syndicat, que « le recours systématique au machinisme est à même d'engendrer des abus ». Et à la CFTC de nourrir des craintes. Deux majeures en l'occurrence : d'abord, « ces mesures déshumanisantes rendront impersonnelle la relation à l'agence et les clients s'y perdront. De plus, le sous-métier de conseiller clientèle est un véritable déclassement pour qui a été dévoué à la SNCF depuis longtemps. » Ensuite, la vague machiniste, lancée sur le site cobaye de Metz, n'est pas prête d'échouer. « D'autres sites sont en effet concernés : Strasbourg, Nancy et la gare de l'Est à Paris. » Mais la SNCF ne voit pas les choses de cet oeil. Taxant l'organisation syndicale des cheminots d'« inconditionnelle inapte au changement », un porte-parole de l'entreprise publique enchaîne : « Il est dommage de voir du déclassement et de sentir un danger là où l'on tente de combiner qualité, technologie et personnel. Cette polémique n'a pas lieu d'être et aucun emploi n'est menacé. » Affaire à suivre car la CFTC doit rencontrer dans les prochains jours Guillaume Pepy, numéro 2 de
la SNCF.

Benjamin Cornet

Le Parisien , mardi 17 août 2004

 

Le Républicain Lorrain

 

 

 

 

La CFTC Cheminots refuse l'automatisation de la vente

La CFTC n'a rien contre le mobilier du nouvel espace de vente de la gare de Metz. En revanche, le syndicat dénonce avec force les ambitions cachées de la direction de la SNCF: favoriser les opérations par automate et, par là, réduire les effectifs.


Huit jours après l'ouverture effective du nouvel espace de vente de la SNCF en gare de Metz (lire le RL de mardi 10 août) et trois semaines avant son inauguration, la CFTC Cheminots "déterre la hache de guerre>, selon ses propres termes. Au centre du conflit, l'émergence d'un nouveau métier, le conseiller clientèle, sorte de chargé d'accueil et d'orientation pour voyageur en quête de billet ou d'information. Physiquement installé à l'entrée de l'espace de vente de façon à "intercepter> tous les clients, il a pour mission d'analyser rapidement leurs besoins et de les diriger vers le guichet adéquat: automates pour les opérations simples, guichets avec agent pour les demandes plus complexes. Selon les responsables de la SNCF, un système a pour vocation d'"aider le client à préparer son voyage> en faisant "gagner du temps à tout le monde>. Depuis le 9 août, la gare de Metz est la première à fonctionner en journée sur ce schéma, avec, il est vrai, une amplitude horaire amputée d'une heure quarante-cinq en soirée. Strasbourg, Reims et Paris-Est suivront sous peu. A Metz, après huit jours de rodage sans lui, le conseiller clientèle devait prendre ses fonctions hier.

L'automate

ennemi juré

L'analyse de la CFTC Cheminots, majoritaire sur le site de Metz, est fort différente: "La SNCF envisage de faire passer de 70% à 30% le nombre de transactions effectuées aux guichets, des centaines d'emplois sont menacés d'ici à 2010>. Par la bouche de Bernard Aubin, son secrétaire général adjoint (secteur Lorraine), le syndicat évoque un document mentionnant expressément que la mission du conseiller clientèle consiste "à promouvoir les canaux de distribution économiques>. "Situé à un point-clé, il est en fait chargé d'orienter les clients en priorité vers les distributeurs automatiques, décode la CFTC.

Discuté
depuis mars 2003, "le concept de ce nouveau métier n'a été accepté par aucun syndicat. Lors de la réunion du groupe de travail du 28 juin dernier, toutes les organisations ont quitté la séance>.

Bernard Aubin explique encore que l'émergence de ce nouveau métier cache "une grande ambition> de la SNCF, énoncée publiquement par la direction lors d'une réunion: "Réduire à 30% le nombre des transactions effectuées aux guichets d'ici à 2010". Cette proportion est aujourd'hui de 70%.

Pour contre-attaquer, la
CFTC a décidé d'interpeller les associations d'usagers, les élus locaux et le numéro 2 de
la SNCF, Guillaume Pepy, attendu à Metz cette semaine. L'inspecteur du travail a en outre été saisi sur la légitimité de ce nouveau métier.

X. L.

Plus récemment, une mobilisation contre la déshumanisation des gares et des trains dans le Grand-Est : ICI

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V
La CFTC citée ici, c'est (c'était) un syndicat d'accompagnement aussi, non ?
Répondre
B
Pas la CFTC Cheminots, en tout cas !