La liaison transfrontalière Saarlorlux  sur la bonne voie ?

Publié le par Bernard Aubin

 

 

Le projet a plus de 20 ans. Pour tenter de maintenir en vie la petite gare de Bouzonville où j’avais débuté ma carrière de cheminot, j’avais développé, avec le soutien de la Ville, quatre hypothèses de desserte de toute une zone frontalière s’étendant de la Sarre (Allemagne) au Luxembourg (deux d'entre-elles figurent ci-dessus) en passant par la Lorraine. Nous avions également mis sur pied une circulation spéciale, le « train du Vendredi Saint » qui devait braquer les projecteurs sur l’avenir de la gare et lui offrir des perspectives de développement. Ironie du sort, ce train est désormais le seul à desservir la gare, une fois dans l’année. Comme tant d’autres, l’établissement a été fermé. Il n'ouvre plus qu'exceptionnellement le reste de l’année (lire les aventures de la Gare de Bouzonville ICI et les interrogation sur son avenir LA).

 

 

C’est donc non sans plaisir que le Maire de Bouzonville, accompagné de quelques élus français, s’est rendu le 28  novembre à Dillingen (Saar – Allemagne) pour assister à une réunion organisée par le parti politique allemand CDU. Seul point à l’ordre du jour, ce fameux projet de liaison directe Internationale qui devrait emprunter le parcours Sarrebruck-Dillingen-Bouzonville-Yutz-Thionville-Luxembourg. Notre projet. Première surprise, la salle était comble. Caméras de télé, photographes, journalistes ont consciencieusement suivi la présentation du projet et les interventions de plus d'une dizaine d'orateurs. L’on imagine mal une telle mobilisation côté français… Le train n’y a pas la même cote, c’est peu dire.

 

 

La premier intervenant, Günter Heinrich (CDU Landtagsfraktion) a fait preuve d’un optimisme débordant : « il ne s’agit pas aujourd’hui de se poser la question si cette desserte se fera ou pas, il s’agit de déterminer comment et quand elle se fera ». Le ton était donné. Si le projet se réalisait, il pourrait effectivement faciliter les déplacements d’une partie des 15 000 travailleurs transfrontaliers franco-allemands. De plus, la voie unique entre Dillingen et Bouzonville pourrait resservir à l’acheminement du fret, notamment d’un nouveau trafic de conteneurs. Jörg Michael Fries, dirigeant de l’entreprise BahnLOG, souhaite aussi implanter l’une de ses structures dans une ancienne usine de Bouzonville reliée au rail. Une autre manière de conforter l’avenir de la gare.

 

Günter Heinrich

 

Bien sûr, tous ces projets nécessitent des investissements. Sur la voie unique, au centre de l’itinéraire, un pont doit être conforté, voire entièrement reconstruit. De même, tant côté allemand que français, les installations de sécurité des gares doivent être rajeunies, et adaptées aux normes pour autoriser la circulation régulière de trains de Voyageurs sur la zone frontalière. Le CDU évoque même l’électrification de cette voie, pour éviter de recourir aux locomotives diesel sur une partie du parcours. Tandis que les millions d'euros d'investissement s’additionnent, l’optimisme de nos voisins allemands reste intact. Ce projet, ils y croient dur comme fer et rien ne semble ébranler leur détermination : "c'est une question de volonté".

 

Le Train du Vendredi Saint à Bouzonville

 

Pour autant, l’absence d’enthousiasme réel de ce côté-ci de la frontière aurait dû tempérer leurs propos. Rappelons-le, il s’agit là de ligne et de dessertes internationales. Si la DB (chemins de fer allemands) était représentée par son émissaire, Rüdiger Weiss, la SNCF, bien qu’invitée, a une nouvelle fois brillé par son absence. Idem concernant le Conseil Régional Grand-Est, qui n’a dépêché sur place aucun représentant. Ce qui se comprend. Selon nos informations, ce projet ne figure pas parmi ses priorités. Et c’est bien là que le bât blesse. En France, l’autorité organisatrice des transports, c’est le Conseil Régional. S’il venait à ne pas soutenir le projet, il tomberait à l’eau. C’est justement ce qui est arrivé 20 années durant. A l’époque, le Président du Conseil Régional de Lorraine l’avait balayé d’un revers de main, alors qu’il commençait tout juste à émerger.

 

Les usagers débarquent du train du Vendredi Saint

 

Pour les férus du dossier, l’avenir de la desserte restait, à ce stade des débats, bien mal engagé. C’est là qu’un des rares élus français présents prit la parole. Le Président du Conseil Départemental affirma défendre le projet « depuis une dizaine d’années ». « C’est un élément structurant de la politique de mobilité transfrontalière. Cette ligne revêt une dimension économique et sociétale » précisa Patrick Weiten. « Il s’inscrit dans une stratégie partagée entre la Moselle et la Saar ». Et de surenchérir : « Ce projet est absolument essentiel pour les territoires. C’est une nécessité pour désenclaver Bouzonville. Cette relation est indispensable au sein de la Grande Région. Nous avons une opportunité de faire avancer et de faire réaliser des projets comme celui-là ».

 

 

Des propos qui ont suscité les applaudissements des participants… Mais qui jusque là ne constituaient que de bonnes intentions. Patrick Weiten entra alors dans le concret : « Nous avons travaillé au projet Etat-Région. J’ai parlé du projet au préfet. Cette relation figurera dans le Plan Etat-Région 2022-2025. Vous pouvez compter sur la détermination du Conseil Départemental et de son Président pour que ce projet soit prioritaire au sein de la Région Grand Est ». De la détermination, il en faudra en effet beaucoup pour sensibiliser le Président du Conseil Régional Grand-Est de qui dépend réellement l'avenir du projet. Reste que le bilan de cette réunion est positif : après 20 années de promesses non-tenues de la part de décideurs politiques de tous bords, notre projet bénéficie enfin d’en engagement concret sur son financement. Nous sommes donc sur la bonne voie, même si la nouvelle desserte internationale Saar-Lor-Lux n’aborde pas encore la sortie du tunnel.

 

Denis Paysant (à gauche sur la photo), Maire de Bouzonville, rappela que "cela fait 20 ans que l'on se bat pour développer cette relation"

 

A lire, l'article du Républicain Lorrain du 28/11/2019 qui relate le combat mené "Et si la gare sortait de son sommeil ?"

A revoir : le reportage tourné  par France 3  il y a 11 ans sur le projet : ICI

Article de l'Essentiel (2008) sur l'intérêt de la desserte : ICI

Les différents flux démographiques en Grande Région :

 

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