Sabotage des Lignes à Grande Vitesse SNCF : la piste de l’ultra-gauche à aborder avec prudence
Certains médias ont reçu un mail de revendication provenant d’ « une délégation inattendue ». Le texte revendique les actes commis sur les voies survenus juste avant la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques : « nous y voyons une célébration du nationalisme, une gigantesque mise en scène de l’assujettissement des populations par les États », expliquent les rédacteurs du mail. Pour leur part, les enquêteurs évoquent « une dialectique utilisée par les militants de l’ultragauche anarchiste ».
Peut-on en conclure, à ce jour, que les sabotages sont le fait de l’ultragauche ? Les investigations se poursuivent sans précipitation. Les traces laissées par les individus dans leur véhicule abandonné avant d’avoir pu commettre leur forfait sur la LGV Sud-Est seront forcément riches en enseignement. Autre élément qui invite à la prudence, un précédent rarement évoqué aujourd’hui, qui en termes d’organisation ressemble étrangement aux faits survenus vendredi matin.
Il s’agit de l’ « affaire de Tarnac ». Le 8 novembre 2008, plusieurs LGV font l’objet d’actes de sabotage menés simultanément. Leurs auteurs ne s’étaient pas attaqués aux armoires de signalisation, mais aux caténaires. La technique, empirique, consistait à placer une sorte de crochet bricolé à base de fer à béton sur la ligne électrique surplombant les voies. Dispositif dans lequel se prenait le pantographe du premier TGV balai qui empruntait la ligne, provoquant la dégradation de la caténaire sur plusieurs kilomètres.
Michèle Alliot Marie, alors Ministre de l’Intérieur, avait très tôt évoqué un « acte de terrorisme ». Ses services avaient rapidement mis en cause un « groupuscule d’ultra-gauche tendance anarcho-autonome ». Une dizaine de ses membres avaient été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « dégradations en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». Certains avaient même été placés longuement en détention provisoire.
Sauf que quelques jours seulement après cette enquête éclair, les éléments recueillis ne semblaient pas vraiment coïncider avec les réalités. « Et si les enquêteurs s’étaient plantés ? », titrais-je à l’époque sur mon blog « Le Hérisson du Rail » (autrefois hébergé par le nouvelobs et aujourd’hui disparu). En janvier 2017, la Cour de cassation abandonna définitivement la qualification « terroriste » de l'affaire. Le 12 avril 2018, Julien Coupat et Yildune Lévy, principaux mis en cause, furent relaxés. Les auteurs des sabotages n'ont finalement jamais été identifiés.
Tout cela appelle à éviter toute conclusion hâtive. Il se pourrait que les auteurs des récentes dégradations soient effectivement issus de groupes anarchistes. « A qui profite le crime ? ». Quel est l’intérêt, pour un groupuscule, de se mettre à dos la majorité de la population française ? Démonstration de force ou de stupidité ? En quoi les actes commis serviraient-ils la cause affichée ? Le message envoyé serait pour le moins contreproductif… Sans parler de la mobilisation et des moyens déployés qui devraient cette fois aboutir à l'identification des coupables.
Poussons la réflexion plus loin. Si « le crime » ne profitera pas forcément à ses auteurs, à qui pourrait-il finalement bénéficier ? Peut-être des hommes de main ont-ils été instrumentalisés pour servir des objectifs qui dépassent largement les revendications puériles affichées dans les médias. Car au-delà des voyageurs de la SNCF, c’est le pays tout entier qui fut visé. Le déploiement massif des forces de l’ordre à l’occasion de ces JO aura jusqu’à présent éloigné la perspective d’un attentat, engageant « nos ennemis » à faire preuve d’imagination pour attaquer la France par des chemins de traverse. La SNCF tout d'abord et ensuite, à qui le tour ?
En résumé, il est urgent d’attendre avant de conclure. De même, il est impératif de retrouver les réels commanditaires de ces actes. Nos services de renseignements ont du pain sur la planche !