Borne : 100 milliards pour le ferroviaire : info ou énième intox ?

Publié le par Bernard Aubin

 

Élisabeth Borne devrait annoncer les détails de son plan de 100 milliards d'euros pour le transport ferroviaire. Une bonne nouvelle pour le rail ? Pas si sûr !

Des annonces « bidon » dès 2007 !

L'histoire permet de relativiser la portée réelle des annonces de l’Etat. En 2007, Alain Juppé lançait à grand renfort de publicité la tenue du « Grenelle de l’Environnement ». Des rencontres par dizaines et des consultations tous azimuts mobilisèrent des centaines d’acteurs et décideurs de tous bords. Tout cela pour aboutir à une mesure phare : le projet de transférer au moins 25 % des marchandises vers des modes moins polluants que la route (fluvial, ferroviaire,…). Intention qui ne s’est jamais concrétisée, le fret ferroviaire continuant à perdre des parts de marché, la SNCF fermant 200 gares au trafic fret en plein « Grenelle », puis mettant fin à une grosse partie du « wagon isolé » (desserte porte à porte) dans les années qui suivirent.

Une COP 21 limitée aux bonnes intentions

On se souviendra aussi du satisfecit exprimé lors de la signature de la COP 21 organisée par la France en 2015 « contre le réchauffement climatique ». L’historique « Accord de Paris » n’eut pas le moindre impact positif sur le transport par fer. De quoi se méfier de ce genre de grand’messe et autres « engagements » dont le principal objectif semble être de se donner une bonne conscience entre quelques congratulations et autres effets de scène.

Des annonces alléchantes confrontées à une implacable réalité

L’annonce du Premier ministre renvoie aussi à une autre réalité, toute aussi contradictoire. Le 6 avril 2022, tout juste avant les présidentielles, l’Etat et SNCF Réseau signaient en toute discrétion le « Contrat de Performance » déjà intitulé « développer l’usage du train ». Un engagement qui vise à doter la SNCF d’un financement de 2,9 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 au titre de la régénération d’un réseau très vieillissant.

Le contrat, en vigueur aujourd’hui, fit l’unanimité contre lui :« il serait dommage que la version du contrat qui sera transmise au Parlement, après les consultations prévues par la loi, ne soit pas à la hauteur des ambitions pour le fret ferroviaire et se cantonne à une vision strictement budgétaire », tançait le Sénat. Cette approche « exclusivement budgétaire » fut également critiquée par la FNAUT: « 2,9 milliards d’euros par en moyenne sur la période, cela permettra seulement d’arrêter le vieillissement du réseau principal, soit les lignes UIC 2 à 6. Le reste du réseau continuera de vieillir et l’ensemble ne sera pas modernisé ». « Le projet de contrat fait l’impasse sur la définition d’une vision cible du réseau et prévoit un effort de modernisation un  renouvellement insuffisant, au risque d’entraîner SNCF Réseau dans une spirale de paupérisation industrielle », pointait  pour sa part l’Autorité de Régulation des Transports.

La promesse des 100 milliards : un engagement « communiste »

Même si le Gouvernement ne souscrit pas véritablement à cette tendance politique, il n’en partage pas moins certaines pratiques. Car, d’une certaine manière, être « communiste », c’est être généreux avec l’argent des autres. Pour l’Etat, la facture s’élèverait à 84,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027. A voir dans les faits, notamment au vu de l’augmentation exponentielle de sa dette et des réductions des déficits imposées par les règles européennes.

Ajoutons à cela que les projets ferroviaires feront aussi appel aux financements locaux que les autorités organisatrices (Paris et Régions) seront ou non en mesure d’assumer. Quant aux éventuelles subventions européennes, elles seront également tributaires des accords obtenus (on non) à ce niveau.

Le passé démontre également les limites de tels financements. Un objectif à 2040 semble aussi éloigné qu'illusoire. L’Etat s’engage donc sur les éléments qu’il ne maîtrise pas, ou pire, qui ne relèvent ni de ses choix, ni de sa responsabilité. En ce sens, il a beau jeu de faire preuve de générosité ! En attendant, le seul document qui fasse foi est bien ce contrat de performance Etat-SNCF Réseau notoirement insuffisant.

En conclusion

A ce jour, il y a le rêve que l'on nous vend, les 100 milliards pour le rail, et les réalités qui s'imposent. Les réalités historiques qui démontrent implacablement les limites des effets d'annonce, et les réalités contractuelles qui menacent toujours l’avenir du réseau ferré classique. Justement celui sur lequel Emmanuel Macron souhaite étendre la circulation des RER.

En Alsace, les usagers ont compris à leurs frais les limites d'un concept fondé sur de belles incantations et sur des moyens notoirement insuffisants.

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Bonjour,<br /> Ma proposition pour sauver les chemins de fer européens : https://fracofer21.over-blog.com/<br /> Qu'en pensez-vous ?<br /> Je ne vois pas d'autre solution : pas de remise en cause du code du travail, de la représentation des salariés, pas de réforme.<br /> Il faudrait qu'on soit nombreux à réclamer le plan MARSHALL européen du Fret Ferroviaire.<br /> Cordialement.<br /> Robert FRANCESCHI, ex IGTE SNCF
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