SNCF : ce que cache la disparition des composteurs
SNCF : Avec la fin des composteurs, « le progrès sera-t-il encore partagé par tous ? »
Dans les années 80, le poinçonnage manuel des billets avant l’accès au train avait été définitivement remplacé par les composteurs. Orange et électromécaniques au début, ils ont cédé la place à des modèles plus élaborés dans le années 2000, optant cette fois pour la couleur jaune (ou bleue en banlieue). Mais depuis 20 ans, la numérisation des titres de transport est passée par là. Et avec elle une autre conception de l’accès aux trains.
Rappelons tout d’abord qu’avec le lancement des TGV en 1981, la SNCF s’est progressivement orientée vers l’obligation de réserver sa place. Elle prétextait à l’époque des « motifs de sécurité » liés à la grande vitesse… qui ne tenaient pas vraiment la route. Ou plutôt le rail. Au point de ne plus trop les évoquer par la suite. En résumé, pas question de monter à bord d’un TGV sans place attribuée.
Une règle qui avec le temps a eu tendance à s’étendre à d’autres trains. Les Transiliens et TER y échapperont pour des raisons bien compréhensibles. La numérisation des titres a contribué à rebattre les cartes. La disparition progressive du billet carton a coïncidé avec l'imposition de nouvelles règles aux clients. Avec la dématérialisation des titres, c’est donc toute la souplesse de l’utilisation du mode ferroviaire qui a disparu.
Cette marque de fabrique du train faisait partie de ses spécificités et surtout de ses qualités. Après avoir acheté son billet pour se rendre du point A au point B, le client pouvait disposer de 2 mois pour voyager à une date librement choisie au cours de cette période, dans les horaires qui lui convenaient le mieux, avec la possibilité de s’arrêter en cours de route s’il le désirait et de reprendre son parcours ultérieurement…
Après avoir composté son billet, le client pouvait monter dans le train de son choix pour regagner sa destination. Et même à la dernière minute ! Autre point non-négligeable : tout billet non-composté pouvait faire l'objet d'un remboursement intégral. Certes, la contrepartie d’une telle souplesse était le risque d’emprunter des voitures plus ou moins fréquentées. Premier assis, premier servi.
La dématérialisation des billets n’est pas que source de confort. La perspective est justifiée par cette fallacieuse recherche de développement durable dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée. Revers de la médaille, le numérique impose aussi aux Voyageurs des contraintes qui sont loin d’être négligeables : contrainte de choisir à l’avance des jours de voyages, des horaires, des trains. Contrainte de multiplier les transactions informatiques en cas de changement ou de retard d’un train de l’itinéraire. Multiplication des filtrages et portillons électroniques... et surtout contrainte de posséder et d’avoir sur nous en permanence un Smartphone connecté à Internet.
Et c’est là qu’une fois de plus le bât blesse : la digitalisation de notre quotidien nous a apporté certains conforts indéniables. Mais aussi de nouvelles contraintes qui nous enserrent parfois jusqu’à nous étouffer : obligation de posséder un ordinateur pour déclarer ses revenus, idem pour un panel grandissant d’opérations et transactions. Et surtout l’omniprésence de ce Smartphone, téléphone sans fil qui ne porte pas bien son nom. Car ce fil est aujourd’hui à la patte.
Effectivement, plus de 96 % des billets Grandes Lignes sont désormais numériques. La généralisation de la réservation rend de fait le compostage obsolète. Sauf qu’il s’agit une nouvelle fois de se poser les bonnes questions : la souplesse du train, l’un des fondamentaux du transport ferroviaire, se devait-elle être pour autant éradiquée ? La SNCF se devait-elle de s’inscrire dans la philosophie du « numérique sinon rien » ? Que proposer aux clients qui n’ont pas ou peinent à utiliser un Smartphone dont les applications ne sont pas toujours très conviviales et qui de surcroît nécessitent une connexion ?
Vieux slogan de la SNCF à méditer de nos jours : « à la SNCF, le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ! »