Grève et Manifestations : c’est reparti comme en 95 ?
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L’un des plus grands mouvements sociaux qu’ait connu récemment le pays fut sans doute la grande grève de 1995. Une action quasi-spontanée, encadrée, guidée mais non lancée par les syndicats. A l’époque, Alain Juppé, Premier ministre, prit déjà le parti de réformer les retraites. Le « Plan Juppé » prévoyait notamment un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les fonctionnaires et assimilés, l’accroissement des frais d'hospitalisation, des restrictions sur les médicaments et traitements remboursables, le blocage et l'imposition des allocations familiales versées aux familles combiné avec l'augmentation des cotisations maladie pour les retraités et les chômeurs…
Concomitamment à cette réforme, le Gouvernement avait échafaudé un nouveau contrat de plan Etat SNCF pour une période de 5 ans s'étalant jusqu’en 1999 . Les discussions portant notamment sur la consistance et la performance des infrastructures ferroviaires avaient débuté. Et les pistes d’ores et déjà retenues menaient toutes à une réduction drastique du réseau et à l’asphyxie financière de la SNCF. Deux sujets qui avaient pour le moins provoqué la colère des cheminots et qui ont finalement mis le feu aux poudres.
Fin 1995, le climat social était déjà particulièrement tendu, avec la multiplication de manifestations sur des thèmes divers et variés. Un peu comme des tremblements de terre qui annoncent une éruption imminente. Le 24 novembre 95, jour de grève à la SNCF, s’illustra par une grande manifestation interprofessionnelle. Mais alors que cette action aurait dû se limiter à 24 heures, la grève fut reconduite par les cheminots en Assemblées Générales. A cette « locomotive » s’ajoutèrent plusieurs autres wagons : RATP, puis La Poste, France Télécom, mais aussi de très nombreux salariés des entreprises privées. Les grévistes reçurent le soutien d’une large partie de l’opinion publique, de partis politiques, de municipalités…
Peut-on comparer la situation d’aujourd'hui à celle de 95 ? Oui et non. Oui, parce que le ras-le-bol ressenti aujourd’hui par les salariés et la population est tout à fait comparable à celui qui donna naissance au mouvement passé. Oui aussi parce que les actions sont populaires et soutenues par une majorité de Français. Oui encore parce la réforme des retraites s’impose avec le même autoritarisme qu’en 95. Oui, toujours, parce que les organisations syndicales mènent, pour l’instant, un front commun contre le projet du Gouvernement.
Sauf que depuis 95, la belle unicité syndicale a bien souffert. En 2007, sous Nicolas Sarkozy, les critères de représentativité syndicale furent remaniés sur la base d’un texte élaboré par les deux plus importantes organisations, le patronat, et le Gouvernement. Les tensions nées de cette initiative ont pour longtemps compromis les rapprochements syndicaux, même sur des sujets cruciaux. A titre d’exemple, la SNCF ne connut plus d’action unitaire (rassemblant l’ensemble des syndicats) depuis cette date. Avec ses ordonnances, Emmanuel Macron s’est à son tour attaqué à la représentation des salariés sur le terrain, en supprimant les délégués du personnel et les CHSCT au profit d’instances nationales. Autre méthode pour tenter de fragiliser un peu plus les syndicats, au risque de renforcer les coordinations. Lire ICI
Pour autant, la recette de succès de 95, qui aboutit au retrait du « plan Juppé » et du « Contrat de Plan » Etat-SNCF ne reposa pas que sur la performance des syndicats. C’est l’union des salariés autour de ces deux revendications intangibles qui mena à l’osmose et imposa l’unicité. Devant les Assemblées Générales, les militants syndicaux ne s’exprimaient que d’une seule voix, faisant taire leurs divergences et querelles de clocher. Et ils n'avaient pas le choix ! Ce fut aussi ce rassemblement public-privé vers une cause commune qui mena à cette victoire sociale. Ces mêmes critères sont-ils réunis aujourd’hui ? Pour l’instant oui. "Faut que ça dure !".