Brétigny : l'organisation de la SNCF en cause
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Comme la plupart des entreprises, l’organisation interne de la SNCF reposa longtemps sur des règles de bon sens et des objectifs d’efficacité. Mais l’exploitant ferroviaire n’échappa pas aux dérives technocratiques survenues dans les années 90, qui occasionnèrent un glissement progressif de ces objectifs vers une recherche d’efficience (comprendre faire le maximum avec les moyens du bord), un concept totalement inadapté aux exigences de sécurité.
Les manques de moyens, tant financiers qu’humains, ont joué un rôle prépondérant dans cette catastrophe. Nous l'avons souvent évoqué. Mais l’organisation interne de la SNCF a sans doute accentué les risques.
La restructuration de la branche infrastructure
Afin d’ «améliorer sa productivité», la SNCF a considérablement augmenté le périmètre géographique de ses établissements Infra. Elle a procédé entre 2007 et 2010 à plusieurs révisions de son organisation, en faisant passer leur nombre de 91 à 49.
L’organisation interne des Etablissements
Les référents techniques de terrain (Chef d’Equipe Voie), premiers maillons de la chaîne de maintenance, ont été privés de leur autorité et de leurs responsabilités au profit d’une autre organisation fondée sur un Dirigeant de Proximité (DPx) assisté d’un technicien opérationnel et d’un technicien d’appui.
L’éloignement géographique entre cette cellule dirigeante et les « brigades » a créé des difficultés. Second problème, c’est que certains de ces DPx ont débuté leur carrière de cheminot à ce poste (cadre en général) sans posséder ni les connaissances techniques, ni l’expérience, ni le recul nécessaire pour diriger des équipes dont les missions exigent un très haut niveau de technicité.
Dans le même temps, la notion de surveillance d’un « parcours » (une zone géographique précise) par les brigades a disparu au profit d’intervention sur des zones plus larges, dans des conditions diversifiées. La connaissance du terrain s’en est trouvée fragilisée et le suivi de la maintenance s’est complexifié.
Une affectation des agents en dépit du bon sens
Le rapport du BEA TT précise que 8 des 9 cadres principaux de l’Unité de Production voie Essonne-Val d’Orgue étaient de « jeunes cadres ». Recruté en 2011, soit seulement 2 ans avant l’accident, le DPx de Brétigny sur Orge qui s’est humblement déclaré « responsable moralement » de l’accident était, selon le bureau d’enquête, « toujours en phase d’acquisition de compétence et ne disposait d’aucune expérience de terrain ». Les enquêteurs ajoutent : "ni le technicien opérationnel, ni le technicien d’appui qui lui étaient rattachés n’avaient une ancienneté dans leurs emplois respectifs susceptible de leur garantir leurs légitimités technique et managériale auprès des agents des brigades du secteur concernés"… A qui la faute ?
En résumé
Une branche Infra en perpétuelle réorganisation, une gestion complexifiée qui efface les besoins du terrain, des équipes privées de leur chef direct au bénéfice d’un hiérarchie incompétente croulant notamment sous des tâches accessoires, un éloignement géographique entre décideurs et intervenants, une connaissance du terrain galvaudée par la disparition des "parcours", une transmission des compétences délibérément brisée, un turn-over permanent interdisant l’acquisition des connaissances notamment techniques…
En résumé, l'organisation d'une véritable désorganisation de la SNCF a des fins technocratiques et pseudo-productivistes a, elle aussi, joué son rôle dans le drame... hormis la responsabilité infinie de l’Etat déjà maintes fois évoquée.