Déconfinement : un pas en avant, trois pas en arrière
Si vous y comprenez encore quelque chose, c’est que vous êtes particulièrement brillants… ou devins… Serons-nous vraiment « déconfinés » le 11 mai et comment ? Un peu, beaucoup, à la folie… pas du tout ?
Le 13 avril, Emmanuel Macron évoquait prudemment, dans son allocution, la future « fin du déconfinement le plus strict » tout en précisant ne pas savoir « quand les français pourraient renouer avec la vie d’avant ». Le principe du déconfinement par zones semblait donc, à ce stade, abandonné.
Dès le lendemain, le Ministre de l’intérieur jouait déjà sur les mots : « le 11 mai, ce ne sera pas le déconfinement mais la fin du confinement » tandis que Gérald Darmanin soulignait aussi le même jour : «le plus important, c’est que sanitairement, la France soit prête». Certes, mais le sera-t-elle le 11 mai ? Pas sûr !
Un pas en avant, un pas en arrière. «Toutes les écoles ne seront pas ouvertes le lundi 11 mai… ça ne se fera pas du jour au lendemain », nuança très rapidement Jean-Michel Blanquer… La "fin du confinement" ne concernera donc pas certaines écoles… Cela s'est avéré depuis... dans des conditions qui donnent le tournis.
Qu'a-t-on appris de l’allocution d’Edouard Philippe devant l’Assemblée Nationale le 28 avril ? Tout commença par un avertissement : « si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai ou alors nous le ferons plus strictement ». Et de détailler certaines conditions d'une « fin de confinement » qui en prend de moins en moins la tournure.
Le 2 mai, le Ministre de la Santé évoquait lui aussi un recul possible de cette date si un relâchement du confinement venait à être constaté d’ici là. Olivier Véran, faut-il le rappeler, avait également fait preuve d’une politique à géométrie variable sur le port du masque, « pas recommandé et pas utile » début mars, et sans doute bientôt « indispensable ».
Venons-en aux fameuses cartes… vertes, orange, rouges en ce moment, mais privées d’orange bientôt… On va y perdre son latin. Peu utiles aujourd’hui, elles alimentent inexplicablement conjectures et controverses. Faut-il le rappeler, seule la version arrêtée le 7 mai conditionnera les conditions d’allègement du confinement au 11 mai, selon la couleur des départements.
Résumons : le « déconfinement ne signifie pas la fin du confinement ». Il aura lieu le 11 mai mais ce n’est pas sûr. La date est identique pour toute la France (si elle est maintenue) mais les conditions varieront d’un département à l’autre en fonction de couleurs qui ne son pas connues et d'une situation qui pourra encore évoluer pas la suite. L’on pourra de nouveau se déplacer mais pas trop loin et pas n’importe comment.
Le resto, le cinéma, les concerts, les cultes… et les plages, ce n’est pas pour demain. Et pour quand ? On n’en sait toujours rien. L’école ? Ce sera en fonction des classes, des critères de choix des élèves invités à y retourner, des décisions des maires pour le primaire, de la zone dans laquelle les départements seront placés, de la décision des parents, des droits de retraits éventuellement déposés par les professeurs..
Vous n'y comprenez plus rien ? Normal. La seule certitude aujourd’hui, c'est que plus on avance, plus le brouillard s’épaissit. Et nous n'évoquons pas encore la seconde phase, celle du retour probable du virus. Nous ne l'avons pas assez à l'esprit : le 11 mai, nous ne serons pas plus protégés qu'hier, lorsque le confinement a été décrété.
Reconnaissons à nos dirigeants nationaux la difficulté de gérer cette situation inédite, qui exige de la réactivité, de l’inventivité, de la responsabilité, du parler-vrai, et des capacités à tenir la barre dans des conditions dégradées. L'exemple démontre qu'il est infiniment plus difficile de construire, être efficace et pertinent, que de saper peu à peu, avec cynisme, arrogance et autorité, les rouages complexes d’un pays que nos anciens avaient mis des siècles à dessiner.
Les vrais « bâtisseurs », les décideurs compétents, les véritables acteurs de l'avenir notre société, ceux qui agissent au quotidien avec pragmatisme et bon sens à tous les niveaux, le coronavirus vient de les révéler. A charge pour nous de ne pas les oublier, à charge pour d’autres de les respecter et de faire preuve, le moment venu, de la plus grande humilité.