Drôle de loustic à la tête de SNCF Réseau...

Publié le par Bernard Aubin

 

15 février 2010. Deux trains entrent en collision. Bilan : 19 morts, plus d’une centaine de blessés. Un « nez à nez » dans le jargon ferroviaire. Autrement dit deux trains de sens contraire qui se rencontrent sur la même voie. En cause, le non-respect ou les difficultés d’observation d’un signal fermé par l’un des conducteurs. Sauf que tout cheminot, et a fortiori tout concepteur d’installations de sécurité ferroviaire, n’ignorent pas que l’erreur humaine étant prévisible, elle se doit d'être anticipée par la mise en œuvre de systèmes vérifiant l’éxécution des procédures, voire prenant la main en cas de situation dangereuse. Craignant que leur conducteur du train ne soit le seul mis en cause, ses collègues avaient « déposé le sac » dès le lendemain par solidarité, dénonçant au passage l’état du réseau ferroviaire.

 

27 novembre 2017. Un train percute une voiture à un passage à niveau. Les dégâts nécessitent l’intervention d’une grue de relevage. Lors des opérations, un attelage cède et une partie du train, non freinée, part en dérive sur une dizaine de kilomètres, avant de percuter un train de Voyageurs. Au passage, le convoi fauche des agents occupés à la remise en état de la voie. Bilan : 2 cheminots décédés. Si, dans le cadre de cette affaire, les auditions sont toujours en cours, ce n’est plus la cas dans le cadre de la première catastrophe. Celle-ci a fait l’objet d’un premier jugement le 3 décembre 2019. Une fois n’est pas coutume, le lampiste n’est pas considéré comme le premier responsable de l’accident.

 

 

Le tribunal a établi que la catastrophe  résultait d’une conjugaison d’erreurs dont les responsabilités les plus importantes reposent sur les épaules de l’opérateur du réseau de chemins de fer et sur celles du gestionnaire du réseau. Il condamne les deux sociétés à la même peine, à savoir 550 000 euros d’amende à se partager. Les juges soulignent le défaut de prévoyance et de précaution : « il découle des pièces du dossier que l’opérateur  a accordé une place prépondérante au facteur humain alors qu’il convenait de prévoir des moyens techniques ». Le tribunal souligne au passage le démontage d’équipements de sécurité importants, le sous-équipement de la locomotive en question et l’absence d’installations au sol de nature à empêcher l’accident.  Du coup, même si la faute du conducteur a été reconnue, aucune peine ne lui a été infligée.

 

Ces accidents ont provoqué de multiples réactions. Dont celle d’une députée : « toujours moins de moyens pour le rail, réduction des effectifs (5000 postes en moins ces cinq dernières années), plus de flexibilité pour le personnel… On exige toujours plus, avec toujours moins de moyens : c’est là que le problème se trouve ». Et d’ajouter « les innombrables retards, les trains sans air conditionné dans lesquels il fait 40°C et plus en été, les trains supprimés, les trains qui ne comportent qu’une seule toilette, les guichets fermés, les infrastructures inadaptées aux personnes à mobilité réduite, l’obligation pour certains voyageurs de prendre trois abonnements différents… Les 240 millions de voyageurs ont droit à un service de qualité ». Une qualité et une sécurité des circulations qui visiblement font partie du passé.

 

Pour sa part, un cheminot, sous couvert d’anonymat, dénonçait l’usine à gaz en charge de l’entretien des infastructures : « il y a tellement d’entreprises qui utilisent des sous-traitants, lesquelles recourent elles-mêmes à des sous-traitants, qu’on ne sait parfois plus qui travaille sur le rail ». Un beau bazar en somme, dont le résultat se calcule au meilleur en retards de trains et aux pire en accidents ferroviaires. Éclatement du système ferroviaire, éparpillement des missions et des responsabilités, concurrence, libéralisme et technocratie… tout cela, usagers, cheminots, contribuables finissent toujours par en régler l’addition… Pourtant mis en cause par la Justice dans le cadre des accidents ferroviaires, le président du réseau ferré n’a pas hésité à réclamer récemment une hausse de son salaire de 8 %... et de faire au passage appel du jugement du tribunal prononcé le 3 décembre 2019 à l’encontre de sa société.

 

A ce stade, il devient temps de révéler où se passe l’action. Non, il ne s’agit pas de l’accident de Brétigny… quoique… Quelques similitudes pourraient l’évoquer.  Non, ces accidents sont survenus sur le réseau Belge. Décidément, nous n’avons rien à envier à nos voisins. Leur entreprise est victime des mêmes politiques libérales, des mêmes maux, avec les mêmes conséquences. Avec à leur tête des « responsables » issus du même moule et dotés des mêmes œillères. Devinez qui se trouvaient à la tête d’Infrabel, gestionnaire du réseau belge lors de ces accidents ? Notre futur président de SNCF Réseau ! Celui qui remplacera désormais  Patrick Jeantet, propulsé à la tête de Keolis. Ca, il fallait vraiment oser ! Au moins, lorsqu’il s’agira de gérer les accidents à venir, la vétusté du réseau et les dysfonctionnements qu’elle engendre, nous aurons à faire à un spécialiste !

 

 

« Luc Lallemand a redessiné en profondeur le paysage ferroviaire belge », indique Infrabel sur son site internet. « Sur le plan de la sécurité ferroviaire, il a hissé le réseau des chemins de fer belges à un niveau supérieur grâce à l'implémentation de systèmes d'arrêt automatique »… Systèmes d’arrêts qui ne semblaient visiblement pas fonctionnels le jour de l’accident de Buizingen survenu il a dix ans ! En revanche, ce dirigeant a bien contribué à l’éclatement de la SNCB survenu en 2004, pour prendre au dans la foulée la direction de la branche infrastructures. Sans doute y avait-il des priorités à gérer ! Au passage, soulignons que le futur remplaçant de Partrick Jeantet n’a rien d’un amateur. Il a posé depuis longtemps un pied en France.

 

Les réseaux nationaux, il connait. Il fut administrateur de Réseau Ferré de France. Il reste  entre autres président de l'association européenne des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires, et administrateur indépendant de RATP Dev (opérateur de transports publics hors d'Île-de-France, filiale de la RATP). Mais pour autant, il n’a guère acquis le soutien des syndicats de cheminots belges. Si le journal « Le Soir » titrait une phrase du Ministre belge de la Mobilité : « le départ de Luc Lallemand, une perte pour le rail belge », pour les syndicats ce serait plutôt « bon débarras ! ». Le responsable avait dégagé une productivité de 20 % et supprimé 4500 emplois sans accorder d’augmentation salariale... sauf à lui-même. Les négociations de l’ « accord social » 2020-2022, sur fond de réorganisation de l’opérateur, font actuellement l’objet de vives tensions.

 

 

Accidents ferroviaires, conflits sociaux, éclatement de l’entreprise, libéralisme à outrance et arrivée de la concurrence… Le nouveau chef de SNCF réseau ne sera pas dépaysé… D’autant plus que le bruit des casseroles qu’il traîne sera sans doute estompé par celui des manifestants occupés à défendre d’autres acquis. Il y a des silences qui deviennent de plus en plus assourdissants. Les obsèques de la SNCF, il y a 8 jours, n’avaient guère fait plus de bruit…. Nos amis belges auraient également reproché à Luc Lallemand de ne pas soutenir le Service Public. Cela tombe bien. Il dirigera une SNCF SA. SA comme Société Anonyme, ou comme service public Sans Avenir ?

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A
Il n'y a plus rien a commenter. <br /> Macron c'est vraiment la merde.
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