Réquisition des Grévistes à la SNCF : pourquoi ça ne marchera jamais

Depuis 2002, plus de 10 propositions de loi ont été déposées en vue de l’instauration d’un service minimum. Alors candidat à la Présidence de la République, Nicolas Sarkozy l’avait inscrit dans son programme. Au départ, il s’agissait bien de mettre en œuvre un outil coercitif destiné à garantir la circulation d’un nombre minimum de trains notamment aux heures de pointe. Mais après quelques échanges et surtout quelques constats, le principe de la réquisition du personnel fut abandonné. Du coup, le « service minimum » se mua en « service garanti », ce qui, tant pour les usagers que pour les syndicats ne représente pas la même chose.
La loi du 21 août 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public » définit l’organisation du service garanti.
Tout d’abord, elle allonge le délai entre la décision d’un syndicat de lancer une grève et son entrée en vigueur. Le délai passe de 5 à 15 jours, ce laps de temps supplémentaire étant censé être mis à contribution pour éviter le conflit par le dialogue social.
Ensuite, elle impose aux agents concourant à la circulation des transports, sous peine de sanction, à déclarer leur intention de faire grève au moins 48 heures avant l’arrêt de travail prévu.
Sur la base des effectifs utilisables recensés, et en procédant au besoin à la réaffectation de personnels non-grévistes, l’entreprise de transport définit un plan de transport adapté en concertation avec les autorités organisatrices et le communique aux usagers au plus tard 24h00 avant le début de la grève.
Le service assuré est donc fonction du nombre de grévistes : avec 100 % de grévistes, 0 % des trains roule… Il ne s’agit pas là d’un service minimum.
Pourquoi un véritable service minimum coercitif ne fonctionnerait pas
Rappelons tout d’abord que la grève constitue l’expression d’un désaccord profond qui n’a pu être résolu par le dialogue social. La situation est donc, par définition conflictuelle.
Précisons ensuite que la plupart des grèves menées depuis plus d’une décennie ont pour motif la préservation des acquis et non la conquête de nouveaux droits sociaux. Situation qui légitime la plupart du temps le rapport de force.
Soulignons aussi que la loi de 2007, si elle n’est pas coercitive envers les salariés, ne l’est pas non-plus vis-à-vis des entreprises ou de leurs tutelles. Le texte affiche bien l’ambition d’améliorer le dialogue social mais son contenu n’en offre pas les moyens.
Concernant le conflit lui-même, la meilleure solution vise bien entendu à l’éviter en amont, par la recherche d’accords gagnant-gagnant… Il est évident que si le postulat de départ d'une réforme est de faire reculer coûte que coûte les droits des salariés sans compensation, aucune solution viable de peut-être trouvée.
Un dialogue social gagnant-gagnant doit être pratiqué. La mise en œuvre d’un service minimum coercitif reviendrait non-seulement à remettre en cause le droit de grève, mais aussi à légitimer les reculs sociaux imposés aux salariés. Cette initiative constituerait avant tout une invitation à s'affranchir du dialogue entre partenaires au profit d'un "laisser pourrir".
Enfin, les expériences démontrent dans certains pays qui ont mis en place un service minimum coercitif que cette mesure contribue à créer un effet cocotte-minute. L’accumulation des mécontentements débouche le moment venu sur des arrêts de travail conséquents, généralisés, incontrôlables et incontrôlés, que les perspectives de sanction ne font qu’exacerber. En France, les récents débrayages des cheminots de Châtillon, hors préavis, en sont une parfaite illustration. La coercition est non-seulement socialement contre-productive, mais elle peut se révéler explosive.
Il est bien compréhensible qu’à la veille de chaque mouvement, des décideurs politiques profitent de l’occasion pour s'offrir une tribune. L’expression de certains, à 10 jours d’une mobilisation qui catalysera les mécontentements des très nombreux français, prouve à quel point ils ignorent les mécanismes profond des conflits et l’état d’esprit actuel d’une grande partie de leurs concitoyens. La sagesse leur aurait conseillé de plaider l’écoute, le dialogue, la réflexion… S’ils privilégient la coercition, ils assumeront le moment venu.