Le rapport Cour des Comptes sur la SNCF : « écœurant, dégueulasse,… »

Les critiques des cheminots ne se sont pas fait attendre sur les réseaux sociaux. Le dernier rapport de la Cour des Comptes et ses « recommandations » ont été considérés comme une énième attaque contre leur profession. Avec une particularité, la violence sans précédent de la charge dirigée contre eux. Les agents SNCF avaient presque pris l’habitude d’encaisser les assauts menés régulièrement contre eux par ceux que certains qualifient de « sages ». Cette fois, la violence, la subjectivité, la nature fallacieuse des attaques ont parfois provoqué plus la sidération que la révolte. Si la Cour des Comptes aime à revenir sur des sujets tels les « facilités de circulation », véritable serpent de mer de ses publications, elle y ajoute d’autres cibles. Cette fois, elle prend plaisir à pilonner aveuglément la gestion sociale à l’artillerie lourde. On casse tout et tout le monde.
Les effectifs ? Bien que dégraissés au point d’atteindre l’os les dernières années, bien que leur nombre ne permette plus d’assurer un service de qualité, la remise à niveau du réseau, le contact humain avec la clientèle, des conditions de travail décentes… Il faudrait encore en supprimer allègrement : 2000 équivalent à temps plein… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien ?
Les « accords sociaux » ? Ils seraient « très favorables aux personnels mais peu favorables à la productivité ». La Cour des Compte préconise notamment la remise à plat de l’accord sur la réglementation du travail négocié en 2018 en remplacement du RH 0077. (Recommandation n°1 : Renégocier les dispositions de l’accord d’entreprise sur l’organisation du travail pour le décliner au sein de chaque activité). En clair, revoir la réglementation du travail à la baisse et la différencier en fonction de la future Société Anonyme à laquelle les agents seront rattachés).
Les primes et autres allocations ? Elles font beaucoup jaser à l’extérieur de l’entreprise parce que considérées à tort que des compléments de rémunération. Dans le secteur privé, cette part de rémunération est intégrée dans les salaires… et dans les pensions ! La Cour des Comptes préconise de « rationaliser le système indemnitaire et renforcer son rôle incitatif ». En clair, aboutir à réduire le nombre de primes, la rémunération qu'elles induisent, et les soumettre à une politique de carotte et de bâton. Certains en bénéficieront, d'autres non, et globalement une fois de plus, tout le monde sera perdant.
La masse salariale ? Il s’agirait là de « supprimer le dictionnaire des filières et définir des référentiels métiers plus larges en s’appuyant sur la future convention collective nationale sur les classifications ». Des métiers plus polyvalents, dont les spécificités seraient moins reconnues, donc moins rémunérées. Et cette référence à la « future convention collective » dont chacun pressent qu’elle remplacera à terme le Statut ou ce qu’il en reste. La Cour préconise aussi de « revoir les règles de progression de carrière pour en réduire l’automaticité et mieux maîtriser la croissance de la masse salariale ». En résumé, des agents plus polyvalents, moins reconnus et moins bien rémunérés.
Les « facilités de circulation » : Réduites et soumises à cotisation : « réduire le périmètre des bénéficiaires des facilités de circulation et le nombre de trains éligibles à ces facilités… Mettre en place sans délai un dispositif de suivi individualisé des facilités de circulation afin d’appliquer les régimes social et fiscal des avantages en nature ». La Cour oublie une nouvelle fois que ces « facilités » ne constitue pas un « avantage », mais une compensation d’un travail sous une autre forme que la rémunération. C’est aussi le cas pour le Régime Spécial de Retraite…
Arrêtons là l’analyse de quelques recommandations pour se poser les bonnes questions. Est-il légitime, pour un organisme quel qu’il soit, de publier des « recommandations » dont la portée dépasse très largement son champ d’investigation ? Autrement dit, est-il acceptable que la Cour des Comptes assène, sans la moindre réserve quant aux autres paramètres qui pourraient influencer ses préconisations, des recommandations dont la mise en œuvre aurait des effets dépassant le seul cadre économique de l’Entreprise ? De telles analyses, délibérément partielles, n’ont-elles pas justement vocation à être partiales ? Les observateurs auront noté que, dans le domaine ferroviaire, les rapports de la Cour des Comptes tombent souvent à point nommé soit pour légitimer, soit pour anticiper des mesures déjà mises en œuvre ou programmées. Le hasard fait bien les choses !
Pour ne reprendre qu’une préconisation de la Cour, l’accélération de la suppression des effectifs. Si l’approche des « sages » peut trouver une justification exclusivement comptable, la mise en œuvre de cette recommandation enverrait la SNCF droit dans le mur. Qui tire les trains ? Qui entretient les infrastructures et le matériel ? Qui gère la circulation ? Qui s’occupe du personnel ?... Bientôt plus personne ! Autant aller jusqu'au bout de l'idée et préconiser la suppression pure et simple de la SNCF (mais en occultant au passage la problématique de la dette !) On se croirait au moyen âge… Les médecins infligeaient des saignées aux malades… Vous allez mal, Eh bien ce sera pire demain ! Voilà peut-être à quelle époque nos « sages » puisent leur inspiration !
Sur le plan social, l’on notera que cette charge fondée sur des arguments des plus fallacieux est menée juste avant l’action interprofessionnelle du 5 décembre. Si le but était une nouvelle fois de diviser les « nantis » du public et le secteur privé, l’initiative risque cette fois de se retourner contre ses auteurs. Un brûlot de plus allumé à côté d’un baril de poudre qui ne cesse de grossir. Difficile de faire pire ! De toutes façons, le point de non-retour est dépassé. Nous y reviendrons.
Pour conclure par une démonstration par l’absurde. La grève spontanée, hors de clous, et presque sans précédent à Châtillon ne trouve-t-elle pas justement ses origines dans les préconisations de la Cour : réduction des effectifs, stagnation des salaires, remise en cause des accords, augmentation des pressions ? Un autre rapport de la Cour, diffusé juste après l’accident mettant en cause un convoi exceptionnel et un TER dont les voyageurs ont failli être abandonnés à eux-mêmes ne préconisait-il pas de réduire encore plus la présence humaine dans les gares et à bord des trains. Approche exclusivement financière = approche mortifère !
Certains tirent des leçons de leurs erreurs, d’autres s’y complaisent, les reproduisent, les accentuent. Ils en sont fiers. Le 5 décembre… et suivants, ça va barder. Ils font vraiment tout pour. Quelle inconscience !