Retraites : encore une réforme vers plus d'équité !

Publié le par Bernard Aubin

 

De quelque bord qu'ils soient, nos politiques nous livrent toujours les mêmes arguments pour justifier leurs réformes  : équité et justice sociale. Ces Zorro des inégalités s’acharnent au fil du temps à gommer ces différences intolérables entre « salariés privilégiés » et salariés exploités. Des démarches forcément désintéressées, entreprises par des décideurs dont la vie exemplaire alimente régulièrement les colonnes des journaux… Avec cette nouvelle réforme des retraites, un euro cotisé rapporterait à tous les mêmes droits. A priori fooooormidableu.  Sauf qu’au final, le même euro rapportera moins à tout le monde. Une forme d’équité, incontestablement. Autre quasi-certitude, c’est que le montant des pensions, déterminé une fois pour toute aujourd’hui, pourrait bien fluctuer à la baisse, demain, au gré de la valeur accordée au point.  Cet axe pourrait être privilégié pour conjurer les déficits de demain.

 

Nous aurons le temps de nous appesantir, le moment venu, sur les mécanismes pervers qui seront déployés baisser équitablement le niveau de pension de tous. Aujourd'hui, revenons-en plus précisément à la notion d’ "équité"… Le Larousse en donne la définition suivante : "qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle… Caractère de ce qui est fait avec justice et impartialité : L'équité d'un partage". Cet exemple est à souligner. Partage équitable ne signifie pas partage en parts égales. Tout simplement parce les règles du partage reposent sur des paramètres qui ne sont pas identiques pour tous, sur des environnements et des contextes différents… Un partage équitable est un partage juste, impartial, dans lequel chacun s'y retrouve.

 

Extrapolons à quelques situations professionnelles la notion d’ "équité" pour le moins galvaudée  par nos décideurs politiques. Exemple : toute heure travaillée doit donner lieu à la même rémunération. N’est-ce pas équitable ? Sauf que le niveau d’étude, la qualification, les responsabilités, les conditions de travail, l’expérience, la performance de chacun varie. Toucher un salaire « équitable », c’est au contraire bénéficier de la plus juste compensation de son investissement, compte tenu de équilibre conclu dans un contrat de travail dans lequel chacun est censé s’y retrouver. C'est aussi bénéficier du respect intégral des clauses qui ont été négociées ou admises lors de la signature du contrat.

 

En réalité, la recherche de l’ "équité" entre salariés est essentiellement brandie par Gouvernement et patrons  chaque fois qu'ils souhaitent gommer à certains acquis pour multiplier leurs profits ou justifier des reculs sociaux. Prenons l’exemple des cheminots de la SNCF. Pour améliorer ses performances face à la concurrence, la Direction de cette entreprise a soutenu l’idée de mettre en oeuvre une convention collective commune à l’ensemble des salariés du ferroviaire. Un texte qui au final se révèle très en retrait des règles en vigueur dans l'Entreprise publique. De fait, le Statut des cheminots va progressivement s'étioler au delà de 2020. Quant aux droits des agents encore sous Statut, ils la SNCF envisage de les gommer peu à peu gommés pour ne pas créer d' "iniquité" entre anciens et nouveaux embauchés. Idem pour les "contractuels" qui verront disparaître certains de leurs acquis. A terme  ce sera donc « convention collective pour tous », recul social pour tous. Cette érosion des repères sociaux spécifiques, à la SNCF comme ailleurs, légitime plus largement les reculs sociaux  appliqués à tous.

 

Derrière l'apparente recherche d’ "équité" se dissimule toujours une volonté de niveler vers le bas les acquis de TOUS. Poursuivons la logique de nos têtes pensantes jusqu’à son paroxysme à travers un autre exemple. Les droits des agents de Fret SNCF ont été écrêtés pour affronter la concurrence… Sauf que les entreprises privées se trouvent elles-mêmes en  difficulté face aux camions. La solution ? Aligner le salaire de leurs employés sur celui des routiers ? Mais dans ce domaine, les transporteurs français ne sont plus de taille à lutter contre ceux de certains pays européens où le salaire minimum avoisine les 800 euros. L’ "équité", au sens que donnent à ce terme nos Hommes politiques, exigerait donc qu’en Europe chaque travailleur s’aligne sur un même salaire, le plus bas de préférence. Il serait en effet "inéquitable" de trouver en Europe deux salariés du monde des transports dont l'un gagnerait 800 et l'autre, au Statut, beaucoup plus... L' "équité", au sens politique du terme, c'est la spirale du déclin social.

 

L’on pourrait poursuivre l’étalage d’exemples qui démontrent presque par l’absurde la dangerosité d’emboiter le pas aux partisans d’ « équité ». Sur le plan personnel, tout le monde n’a pas les mêmes amis, les mêmes partenaires, les mêmes loisirs, les mêmes vacances... Ce n’est pas « équitable » non-plus, mais l’essentiel, c’est que chacun s’y retrouve. L’injustice, ce serait justement d’imposer le même mode de vie à tous sous couvert d’équité.  Où d'imposer à certains de ne pas partie en vacances parce que d'autres, hélas, ne peuvent le faire. Pour en revenir à la définition du dictionnaire, l’équité n’est pas synonyme d’égalité mais une forme de « justice naturelle ». Que chacun bénéficie de règles identiques pour la retraite ne serait juste que si la même égalité de traitement était conjointement envisagée en termes  de rémunérations, de déroulement de carrière, de conditions de travail, de sécurité de l'emploi… Et ça, ce n’est pas pour demain !

 

Certains ont choisi leur métier en tenant compte d’avantages et d’inconvénients connus et acceptés au moment de l'embauche. Ce qui serait justement inéquitable, c’est que les règles changent en cours de partie, sans qu'un nouvel équilibre global ne soit accordé. A niveau d’étude équivalent, une personne  peut choisir entre un poste de fonctionnaire ou parfois un poste mieux rémunéré dans le privé... Une fois le contrat de travail signé, serait-il concevable de baisser le salaire du travailleur du privé pour s’aligner sur celui du fonctionnaire ? Sans doute pas plus que de remettre en cause le régime de retraite du fonctionnaire accordé en compensation d'un salaire plus modéré. La justice sociale exige un examen global de l’ensemble des paramètres, avant la remise en cause éventuelle de l'un d'entre-eux. Une réforme sans approche globale relève de fait d'une stratégie de nivellement vers le bas des acquis de TOUS.

 

Avec la montée de l’individualisme, la généralisation des approches superficielles, une vision du monde fondée sur des clichés, certains salariés se tirent une balle dans le pied.  En s’attaquant en premier aux cheminots, Macron avait notamment pour ambition d’affaiblir le dernier rempart social français. Finalité : avoir le champ libre pour infliger les pires reculs sociaux. Au lieu de soutenir les cheminots, l’opinion publique s’est liguée contre eux sans doute aussi « pour raison d’équité ». Triste en est le résultat pour tous. Pour le Pouvoir, cette "victoire" fut pourtant de courte durée. Depuis, il y a eu les Gilets Jaunes, la panique dans les urgences, une grogne qui monte chez les profs et les policiers et dès demain, une grève massive à la RATP. Un retour de boomerang  « équitable », sans doute. Et ce n'est qu'un début !

 

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