Loi Mobilité : cachez ce train que je ne saurais voir !

Publié le par Bernard Aubin

 

Loi Mobilités, ou loi Trottinette…

De l’aveu même du Gouvernement, la nouvelle loi Mobilités (en cours d'examen) s’inscrit dans le droit fil des Assises Nationales de la Mobilités concluent fin 2017.

Ces rencontres avaient pour préalable de bannir de tout débat le train en général et la SNCF en particulier. L’argument évoqué pour  justifier l’exclusion de ces acteurs majeur des transports nationaux, au demeurant écologiques et économiques, était le renvoi de la problématique ferroviaire à la mission d’étude confiée à M. Spinetta dans le cadre de la réforme de la SNCF à venir.

« A nous de vous faire préférer la route »… C’est donc vers ce seul objectif que les débats et les conclusions des Assises ont été délibérément orientés. Au point que le mot train ou que l’acronyme SNCF n’aient pratiquement jamais été prononcés durant les séances plénières des Assises ni dans leurs conclusions. Guillaume Pepy avait fut cantonné dans la salle, interdit de tribune et d’intervention. Cette attitude augurait mal de son avenir à la tête de l’Entreprise Publique. Quant à certains hauts  dirigeants de la SNCF, ils erraient comme des âmes en peine entre les stands.

Avantage indéniable de la Loi Mobilité soumise cette semaine à l'Assemblée Nationale : sa parfaite cohérence  avec les Assises qui l’ont précédées.

Du fer, le Gouvernement n’en a que faire !

La LOTI (Loi de décembre 1982 d’Orientation des Transports Intérieurs), texte qui précédait la nouvelle LOM, évoquait la perspective d’une « concurrence loyale » entre modes de transports et entreprises (art. 3), le rôle fondamental joué par l’Etat conjointement avec les collectivités territoriales dans l’organisation des Transports, l’importance du développement des transports collectifs de personnes… (art. 4 et 5), la nécessité d’une véritable approche multimodale des transports, le rôle fondamental joué par la SNCF dans la cohérence  d’ensemble des services ferroviaires et l’égalité d’accès au Service Public (art. 21-2),…

Pour sa part, la nouvelle Loi Mobilité se concentre sur des objectifs bien moins ambitieux et peu forcément structurants sur le plan national  : renforcement des prérogatives des Régions en termes de mobilités (mais disparition de la notion de cohérence nationale des transports, dont l’Etat semble vouloir se départir), « croissance » des mobilités fondées essentiellement sur le développement du covoiturage, des véhicules autonomes ou au gaz, des outils d’informations multimodaux, du vélo et autres "cycles à pédalage assisté", un forfait mobilité-durable…

Le développement du ferroviaire est cruellement absent de ces objectifs. Le réseau ferré aurait pu constituer l'épine dorsale des mobilités de demain, mais il n'en a pas été question. Pire, la promotion de tous ces gadgets portés par des start-up et autres entreprises privées révèle incontestablement le triste sort que réserve le Gouvernement aux  dessertes ferroviaires capillaires. Malgré l’accumulation de propos tantôt rassurants tantôt contradictoires sur leur avenir, celui-ci semble scellé, dans les faits.

Les notions de transports collectifs et de service public au centre de l'ancienne LOTI ont été remplacées par des propositions d’offres personnelles et variées, sanctifiées par la loi LOM, dont l’émergence et la  mise en œuvre restent hypothétiques.

L’étude  des occurrences du mot « ferroviaire » dans le projet de loi (toutes annexes exclues) illustre implacablement les véritables desseins  du Gouvernement…

Mettons de côté les situations dans lesquelles ce terme est cité dans le cadre d’adaptations législatives… L’évocation du ferroviaire se limite aux articles évoquant le renforcement de certains itinéraires principaux, la résorption de la saturation de certains nœuds ferroviaires, l’objectif de doublement de la part de voyageurs transportés au quotidien (tous modes de transport confondus), les retards accumulés dans la maintenance du réseau et les objectifs de modernisation, l’amélioration de la desserte des ports, la reprise par l’Etat d’une partie de la dette Infrastructures et les 3,6 G€ annuels consacrés à la remise à niveau du réseau...

La loi reste extraordinairement muette sur les perspectives de développement du rail et sur la place qu’il devrait occuper au sein des mobilités d’avenir.

Le même exercice, cette fois avec l’acronyme SNCF, démontre toute l’attention portée par le Gouvernement à l’Entreprise Publique. Outre des mêmes occurrences sur les mêmes sujets que précédemment, la SNCF apparait notamment 2 fois pour les nouvelles obligations qui lui seront assignées en termes… de stationnement de vélos à proximité des gares. Soulignons que SNCF Mobilités, le transporteur de millions de voyageurs par jour, n’est citée qu’une fois…

Pour résumer, transport ferroviaire et  SNCF n’apparaissent  presque pas dans  Loi qui présidera aux transports de demain, composants pourtant essentiels de la « mobilité » du plus grand nombre.

Le rôle fondamental d’intégrateur que le ferroviaire aurait pu jouer dans les transports de demain lui est dénié. 

Lorsqu’un texte entrevoit l’avenir des transports essentiellement à travers le développement de gadgets, lorsqu’un Gouvernement ignore délibérément un mode de transport qui achemine chaque jour des millions d’usagers… Lorsque les projecteurs sont délibérément braqués sur l’accessoire pour détourner la vue de l’essentiel,  il y a vraiment de quoi s’inquiéter.

En résumé : « cachez ce train que je ne saurais voir ! »

A Relire :

  • le post sur les Assises Nationales de la Mobilité : ICI
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