SNCF : la concurrence, prétexte aux pires dérives

Publié le par Bernard Aubin

 

Juin 2017 : « L'ouverture à la concurrence est une chance pour le ferroviaire et pour la mobilité » affirmait hier encore une Direction de la SNCF bien téméraire. Même échaudés par la triste expérience de la libéralisation du fret, qui causa la perte de nombreux marchés à l'Entreprise Publique et supprima des milliers d'emplois, les dirigeants de l'Entreprise Publique se sont toujours  évertués à présenter la concurrence comme un stimulant, un aiguillon qui conduirait à faire mieux pour moins cher.

Ça, c'était avant. Brusque changement de ton début octobre.  «Il faut toujours craindre la concurrence. Et l'on n'est jamais prêt à 100 %» déclare cette fois Guillaume Pepy. Diantre ! Quel changement de braquet à seulement un an de l'ouverture des TER à la concurrence. Cet « outil pour améliorer notre transformation » se serait-il brusquement muté en dangereux prédateur ? Il semble que oui.

 

Au sein de l'entreprise, on réorganise à grande vitesse. La réforme Macron a ouvert une boite de Pandore d'où jaillissent les pires projets. Et cela à la plus grande satisfaction de cadres dirigeants qui n'ont rien de cheminots. L'un d'entre eux déclarait au Figaro sa satisfaction devant « une présidence combative, consciente de ne pas avoir le soutien de la majorité des cheminots mais qui ressort grandie du dernier mouvement social. La réforme est passée moins difficilement que prévu. Autant aller plus loin, plus fort. J’ai le sentiment de voir un président qui prépare sa sortie, son bilan. Non pas à court terme, mais pour apparaître comme le président qui a réussi à réformer l’irréformable ».

 

En résumé, une fois le rouleau compresseur lancé, autant l’encourager à tout détruire sur son passage. Et dire ce ces « collaborateurs », comme on aime désormais les qualifier, sont grassement payés à tout casser... Revenons-en à la concurrence. Comment réduire les charges ? En supprimant des postes ! La pratique est aussi vieille que la SNCF. En ligne de mire, cette fois, les guichets. Après avoir mis en œuvre, depuis un décennie, une politique de suppression du personnel à bord des trains, l'Entreprise poursuit la déshumanisation de ses emprises par des suppressions massives de personnels de vente.
 

16 guichets supprimés à Lyon cet été. 7 de moins à Strasbourg d'ici fin 2019. Des dizaines de gares petites ou moyennes fermées à la vente Voyageurs en 2018... Les grandes gares ne seront pas épargnées non-plus. Au total, un millier de postes seront sur la sellette d'ici fin 2019... Une véritable hécatombe dont la brutalité ne connaît pas de précédent. Pour excuse, toujours la même : « les comportements d'achat des voyageurs ont changé résolument ces dernières années et une très grande partie des titres de transports sont désormais achetés à distance », affirme la SNCF.


Quelle hypocrisie !!!! La SNCF n'a-t-elle pas tout mis en œuvre pour désertifier les guichets ?Promotions, TGV Ouigo et des prestations de plus en plus nombreuses ne sont accessibles QUE par Internet. Une véritable dictature du digital imposée et non proposée à la clientèle. Passons rapidement sur les perspectives réservées aux petites lignes : suppression de la signalisation, mise à voie unique, appel à la sous-traitance pour la maintenance et l'exploitation... La soudaine pression de la concurrence se fait également ressentir de manière très concrète dans les « Technicentres ». Là aussi, les effectifs sont sur la sellette, mais les directives transmises impactent aussi la qualité des services rendus à la clientèle.


Il n'y a pas si longtemps, ces ateliers de maintenance du matériel roulant s'efforçaient de livrer des locomotives et autres rames débarrassées de tout défaut. Toutes les anomalies signalées étaient systématiquement redressées avant remise en service du matériel. Eh bien, aujourd'hui, flux tendu et contraintes financières ont relégué la recherche de la qualité au second plan. Une fois encore, il s'agit non plus d'être efficace, mais d'être « efficient », c'est à dire faire pour le mieux avec les moyens à disposition. Conséquences : des TER qui ressortent de l'atelier avec un chauffage défaillant, des locomotives fret qui tombent en panne en pleine ligne à cause d'anomalies pourtant identifiées, des toilettes HS à bord des trains... La sécurité des circulations n'est pas en cause,... pour l'instant, mais attention !


Faire moins cher, c'est toujours possible. La question est de connaître le prix à payer. En Grande Bretagne, les économies rimèrent avec morts et blessés graves, avant que le contribuable ne soit abondamment sollicité pour remettre à niveau un réseau ferroviaire que les entreprises privées n'avaient guère financé. La France a connu son Brétigny. Le risque calculé a démontré ses limites.

 

Sur le plan social, le nivellement vers le bas est En Marche. Pour tous. Comme dans les compagnies aériennes low-cost dont le personnel se bat aujourd'hui pour rétablir des règles sociales que la concurrence avait effacées. Tout casser aujourd'hui, se battre demain pour tout rétablir, est-ce vraiment indispensable ?

 

Le libéralisme est un cancer qui ronge la société de l'intérieur. La concurrence est une tumeur maligne. L'antidote ? En 2019 auront lieu les élections européennes. Les citoyens peuvent TOUT changer. N'ont-ils pas fait, contre toute attente, basculer la France dans le pire ? Demain il leur suffirait de prendre conscience que le meilleur n'est pas hors de portée... et surtout de se réveiller !

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