SNCF : partisans de la réforme, votre tour viendra !

Publié le par Bernard Aubin

 

Le 13 juin, Sénateurs et Députés s’entendront sans doute sur le texte commun qui présidera à l’avenir de la SNCF, ou plutôt à sa disparition en tant qu’EPIC. Cette modification du statut de l’entreprise, qui coïncide avec la volonté du Gouvernement d’en finir avec celui des cheminots, constituerait un bouleversement sans précédent du système ferroviaire français. La SNCF aura ainsi fêté cette année son 80ème et dernier anniversaire. Une centaine d’années d’évolutions sociales disparaitront comme si elles n’avaient jamais existé. Si cette réforme atteint son terme, en France deviendra possible... en termes de régressions sociales. C’est d’ailleurs l’un de ses objectifs. A ce jour, 42 % des français soutiendraient l'action des cheminots. Les salariés partisans de  cette réforme ont-ils vraiment pris conscience des enjeux réels, et surtout du fait qu’ils seront les futures victimes du Gouvernement ? Pas sûr…

 

Une des questions que pose ce conflit est la perception des enjeux par l’opinion publique. Parmi les défenseurs de la réforme figurent au premier rang ceux qui adhèrent idéologiquement une démarche dont ils ont parfaitement intégré les finalités : fin du monopole d’Etat sur le service public, transfert des tâches mais aussi des ressources au secteur privé, assouplissement de la réglementation du travail au détriment des salariés, contribution au « prestige » du chef de l’Etat désireux de remporter un challenge où d’autres ont échoué... Il n’y a rien de ferroviaire dans tout cela ! La SNCF et son personnel ont été instrumentalisés pour servir à leurs dépends des ambitions égotiques, personnelles et financières. Tout le reste n’est qu’un écran du fumée dressé devant ces sombres desseins.

 

Mais il y a plus grave. Que les parties prenantes et futurs bénéficières d’une réorganisation la soutiennent, rien de plus normal. Idem pour ceux qui, idéologiquement, adhèrent à cette démarche libérale. Ce qui est dangereux, en revanche, c’est le poids que pèse toute une frange de la population qui appuie une réforme sans en connaître réellement les détails, sans se soucier des enjeux ni des répercussions pour le monde salarial tout entier. Comment réagirait le salarié lambda, aujourd'hui favorable aux pistes gouvernementales, s’il était à son tour victime des idées qu’il défend ? Si, par exemple, les engagements pris lors de son embauche étaient remis en cause par son patron ou par des évolutions législatives ? Si après s’être investi personnellement, pour défendre l’avenir de son entreprise, il était dénigré, menacé de transfert, récompensé par l’imposition de nouveaux efforts ?

 

Ce type d'injustice, des milliers de salariés l’ont sans doute vécu avant les cheminots. Avec, en supplément, le risque de se retrouver au chômage du jour au lendemain. Une opportunité qui offre à ce Gouvernement la possibilité de relancer la question récurrente et fallacieuse de l’ « équité ». Pourquoi certains emplois seraient-ils garantis et pas pour d’autres, pourquoi les  retraites sont-elles différentes, pourquoi des disparités de salaires … ? Pour certains politiques, poser cette question, c’est y répondre. Leur "justice sociale" consiste à tout niveler vers le bas : précarité pour tous, alignement des conditions de travail sur les règles minimales, SMIC pour une majorité d’emplois… Faut-il leur emboiter le pas, niveler par le haut ou par le bas ? L'adhésion au reculs sociaux n'est pas forcément le fait des plus pauvres. Il y a  les jaloux de ces fameux « avantages » des cheminots totalement exagérés, ceux qui oublient leurs propres privilèges et dénoncent les miettes accordées à d’autres, les frustrés qui trouvent dans le personnel de la SNCF des victimes expiatoires des épreuves qu'ils subissent…

 

Décidément, les principaux enjeux de cette réforme n’ont rien de ferroviaire… Pas plus que la réaction d’une partie de l’opinion publique face à cette réforme n’est guidée par la volonté de voir s'améliorer le rail français. Les cheminots sont pris en étau entre des objectifs qui les dépassent, mais dont ils risquent d’être les premières victimes le moment venu. Certains employés cumulent aujourd’hui plus de vingt journées de grève. Sans doute pas pour le plaisir de se serrer la ceinture ou de laisser les usagers à quai. La réalité ferroviaire, eux la vivent car ils la pratiquent au quotidien. Les dysfonctionnements, ils en connaissent les vraies origines et de longue date. Privatisation, filialisation, reculs sociaux n'apporteront rien de positif aux clients, bien au contraire. Les mensonges proférés par ce Gouvernement pour justifier ses actions, les grévistes en ont mesuré toutes les conséquences. Puissent les Sénateurs qui voteront ou non la réforme, cet après-midi, faire preuve d’autant de lucidité et de conviction.

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