SNCF; Convention Collective : une histoire riche en enseignements
Une fois n'est pas coutume, je vais vous servir du réchauffé. Mais du réchauffé qui cadre parfaitement avec l'actualité. Il s'agit d'un article extrait de mon blog "Le Hérisson du Rail" gracieusement hébergé, puis détruit par l'Obs. Je n'y ai pas changé un mot. Alors, comprenez bien que lorsque la réforme est évoquée, il ne s'agit pas du projet de loi Macron, mais bien de la "réforme portant ferroviaire" de 2014.
A l'époque, le Statut des cheminots avait déjà été écorné. Aujourd'hui, le Gouvernement souhaite purement et simplement le supprimer pour les nouveaux embauchés, au profit d'une réglementation commune à l'ensemble des opérateurs ferroviaires. Cette idée avait été soufflée par la Direction de la SNCF à plusieurs Gouvernements de tendances dites opposées. Ceux-ci ont finalement donné suite aux désidératas de l'Entreprise. L'étape que vivent les cheminots actuellement n'est que l'aboutissement d'un processus de régression sociale, long, régulier, avalisé et accéléré.
Bonne lecture et, je vous le rappelle, le texte date de 2015. Depuis, ni l'histoire, ni les enjeux de la convention collective n'ont changé... Il ne reste plus qu'à négocier...

Article publié en mars 2015
SNCF, future Convention Collective Nationale : enjeux et risques
J'avais promis d'y revenir... C'est fait. Le texte est un peu long... à la hauteur des enjeux pour les cheminots de la SNCF. Pour les autres personnels du ferroviaire, je reprendrai à mon compte la remarque que m'avait fait un de leurs représentants du personnel il y a quelques années : "si notre Direction se contentait déjà d'appliquer les mesures que nous avons négociées et validées, nous serions les plus heureux des salariés"... Alors, pour ces salariés, le socle social commun, la convention collective, c'est si loin...
1) Une convention collective, c’est quoi ?
- Environnement législatif, définition(s) du Statut des cheminots
Rappelons tout d’abord que les cheminots du « cadre permanent » disposent d’un certain nombre d’acquis spécifiques, issus de l’histoire : régime spécial de retraite, caisse de maladie spécifique, règlementation du travail,… ce qui est communément appelé « Statut des cheminots ». A ne pas confondre avec le RH 0001 « Statut des relations collectives avec la SNCF et son personnel » qui ne traite qu’une partie de ces acquis.
Lors des débats sur la réforme du système ferroviaire, Gouvernement, Direction et certains syndicats ont joué sur cette ambigüité pour entretenir une confusion dans les esprits. Il faut être conscient que les « engagements » de maintien ne portent pas sur le Statut des cheminots mais bien sur le seul RH 0001.
A la SNCF, un grand nombre d’avancées sociales trouve sa source dans les négociations. D’autres sont apparues à l’issue d’un conflit. Celles-ci ne sont pas été validées au sein d’une convention collective, mais par des accords et des décrets. Ainsi, la réglementation du travail (RH 0077) fait l’objet du décret du 29 décembre 1999 tandis que le RH 0001 (droit syndical, rémunération, représentation du personnel, admission au cadre permanent, déroulement de carrière, cessation de fonction, changements de résidence, sanctions, congés, régime spécial maladie) est issu du décret 50-635 du 1er juin 1950 portant application de la loi du 11 février 1950.
Ces décrets sont complétés par des accords d’entreprise : formation, handicapés, égalité homme-femme…
C’est sur cet ensemble de dispositifs divers que reposent les droits spécifiques des cheminots du « Cadre Permanent ». Certains d’entre eux s’adressent également aux cheminots contractuels.
- La Convention Collective traite de quoi ?
Une convention collective est un texte négocié (en l’occurrence au niveau national) entre le patronat et les organisations syndicales « représentatives » présentes dans le champ d’application.
Définition: « la convention collective est un acte écrit conclu entre un ou plusieurs employeurs ou organisations professionnelles patronales et un ou plusieurs syndicats de salariés. Elle a vocation à traiter des conditions d'emploi, de travail, et des garanties sociales des salariés ».
Son contenu est fixé librement hormis les points obligatoires : champ d’application territorial et professionnel, conditions de renouvellement et de révision, durée si elle est à durée déterminée (sinon, indéterminée). Il n’y a pas obligation à faire entrer d’autres thèmes (cités dans la définition) dans le champ des négociations.
Professions pouvant être concernées par une convention collective : celles relevant du droit privé et des EPIC.
La convention collective s’applique à tous les salariés de son champ.
La convention peut être dénoncée par tout ou partie des signataires. Dans ce dernier cas, elle ne lie plus que les structures dont la signature subsiste.
Qui négocie la Convention Collective Nationale ferroviaire ?
La négociation ne se situe pas au niveau de la SNCF, mais au niveau de la branche ferroviaire, dans la mesure où tous les cheminots, du public comme du privé, relèveront du nouveau dispositif.
Ainsi, le patronat est représenté par l’UTP (Union des Transports Publics et Ferroviaires). Parmi les entreprises adhérentes à l’UTP : ECR, Veolia, RATP, Thello, VFLI, Eurostar, VFLI, SNCF…
Les syndicats sont représentés par les fédérations des transports, et non pas par leurs fédération de cheminots (du moins officiellement).
- Calendrier
La première réunion des partenaires a eu lieu en février 2014. Elle constitua une première étape. Au programme de cette rencontre, la définition d’un accord de méthodologie. Celui-ci a été validé sans problème le 23 avril 2014.
Depuis, les négociations se poursuivent sur un sujet plus complexe et moins unanime : le champ d’application de la future convention.
Le bouclage de la convention a été annoncé pour au plus tôt 2016, une échéance est très optimiste face à la complexité du sujet et surtout au regard des enjeux.
2) Réforme SNCF, convention collective, avenir des acquis sociaux
L’article 33 de la loi sur la réforme du service ferroviaire abroge la loi de 1940. Du coup, le décret dont est issu le RH 0077 tombe. La réglementation du travail SNCF n’est maintenue qu’à titre transitoire, le temps que soit négociée la partie « temps de travail » de la convention collective et un accord spécifique SNCF. Le reste de la règlementation du personnel ne devrait pas, en principe, être directement touché par la réforme. En revanche, ces textes évoluent au fil du temps et du contexte, et pas dans le bon sens.
- Précisions :
Cadre social législatif de la SNCF et hiérarchie des normes :
Avant la réforme : législations européennes et nationales (code du travail), décrets (RH 0001, RH 0077), accords d’entreprise.
Après la réforme : législations européennes et nationales (code du travail), décret socle (commun à l’ensemble des salariés des transports ferroviaires), convention collective (idem), éventuellement accords d’entreprise.
Le RH 0001 (Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel) n’est pas abrogé, mais à voir comment il pourra se conjuguer avec ce nouveau contexte législatif… Certains « aménagements » risqueraient de s’imposer de fait.
Concrètement, rien ne permet d’affirmer que les acquis sociaux des cheminots seront maintenus, bien au contraire. Le volet « temps de travail » de la convention collective, même s’il devait être de haut niveau, ne pourra en aucun cas être la copie du RH 0077, sous peine de se voir retoqué par les entreprises privées, voire par la SNCF elle-même.
Et si des accords d’entreprise peuvent compléter le nouvel arsenal législatif, aucune contrainte ne pèse sur les entreprises quant à leurs contenus, voire même quand à leur mise en œuvre.
La SNCF affirme que les champs couverts par le RH 0001 et les accords en vigueur ne feront pas l’objet de négociations dans le cadre de la Convention Collective et seront donc maintenus en l’état. A vérifier dans les faits. Fin 2014, la direction avait réfléchi à une réforme du volet déroulement de carrière du RH 0001 avant de se raviser. Danger !
3) Il était une fois, une convention collective pour le fret ferroviaire
La convention collective constitue une réelle nouveauté pour les cheminots de la SNCF. Mais ce dispositif était déjà présent dans le domaine ferroviaire…
Il existe depuis 1974, à l’attention des personnels des entreprises ferroviaire locales, une convention collective dénommée « VFIL ».
Suite à l’arrivée de nouveaux opérateurs fret sur le réseau national (le premier en 2005), des négociations avaient été engagées pour pallier le vide réglementaire auquel étaient exposés leurs salariés, les seules normes en vigueur étant celles du Code du Travail. Un protocole d’accord avait été signé le 6 juin 2007. La signature (ou pas) de cette convention avait été programmée en juin 2012, soit après 5 ans de négociations.
Le 1er juin 2012, Guillaume Pepy adressa un courrier au Premier ministre, réclamant l’abrogation du « décret du 27 avril 2010 instituant un double cadre social dans le secteur ferroviaire ». Pour le Président de la SNCF, la nouvelle convention collective « entérinerait des écarts considérables de situation de et conditions d’emplois entre salariés d’un même secteur » public ou privé. A cette époque, Guillaume Pepy se plaçait déjà dans la trajectoire d’une cadre social harmonisé destiné à l’ensemble du secteur ferroviaire.
Conséquences : gros embarras au niveau du Gouvernement… et de l’UTP chez qui cette missive fit l’effet d’une bombe.
Au point que cette convention, pourtant bouclée, ne fut jamais présentée à la signature. Ne subsistent de ces négociations, qu’un accord sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail (14/10/2008), un accord sur le contrat de travail et les classifications (8/09/2010) et un accord relatif à la formation professionnelle (13/09/2011). La suite, on la connait avec la consécration du cadre social commun dans le cadre de la réforme d’août 2014.
4) Enjeux et risques d’une négociation de la Convention Collective
Qu’elles aient été favorables ou non à la réforme ferroviaire, les organisations syndicales présentes à la table des négociations porteront la lourde responsabilité de négocier la future réglementation du travail et les autres thèmes qui auront été arrêtés.
Nul n’ignore que le résultat de ces négociations ne pourra en aucun cas atteindre le niveau social qui était celui des cheminots de la SNCF et ce pour deux raisons.
La première, c’est que les entreprises privées ne signeront en aucun cas un texte trop contraignant pour elles, la seconde, c’est qu’une partie de ajustement devant se faire aux niveau des accords d’entreprise, la convention ne peut être exhaustive.
Le but est donc aujourd’hui de négocier pour offrir à tous les salariés répertoriés dans le champ d’application un socle social commun d’un niveau le plus élevé possible…
Niveau qui ne pourra atteindre, faut-il le répéter, celui de la réglementation du travail SNCF. Il est indispensable d’en être conscient dès le départ.
5) Texte et contexte
Obtenir une convention de haut niveau est sans doute le but commun à tous les syndicats, même si par la suite le niveau d’exigence peut diverger. Chaque organisation défendra ses attentes. L’espoir réside dans le fait de trouver le point d’équilibre.
Mais que cet objectif soit atteint ou non, le contexte pèsera sans doute autant que le texte dans la perspective d’une signature.
Premier enjeu pour les syndicats : les élections professionnelles. Elles devraient se dérouler, en principe, en novembre 2015. La réforme et ses conséquences ne manqueront pas de s’inviter dans les débats. Même si l’actualité ne joue jamais de manière significative dans le résultat des élections, les impacts sont parfois lourds de conséquences. (...)
6) Pour conclure…
La situation dans laquelle les cheminots sont placés interdit toute orientation à l’emporte-pièce. Il s’agit avant tout de préserver les intérêts des salariés. Le champ d’application de la convention collective fait actuellement l’objet de débats. Quels personnels seront concernés ? Les cheminots ? De quelles entreprises au final ? Les salariés qui, comme ceux de la restauration à bord ou du nettoyage, concourent directement au service client ? Les pères du "socle social commun" ont ouvert, volontairement ou non, une boite de Pandore qu'ils souhaiteraient aujourd’hui refermer.
Il va de soi qu’avant de définir des règles sociales, il est indispensable, tant pour les représentants du personnel que pour les employeurs, d’en identifier précisément les bénéficiaires. Cette première épreuve sera-t-elle surmontée avec succès ? La validation de la convention collective se fera-t-elle étape par étape, au risque de proposer des chapitres à la signature en plein contexte d’élections professionnelle ? Où alors fera-t-elle l’objet d’un examen global à l’issue des négociations ?
Et si, au final, les négociations finissaient par capoter ? La Convention serait-elle remplacée par un décret pas forcément favorable aux salariés ? Ou alors par rien du tout ? La seule référence réglementaire serait alors Code du Travail ! La route est encore longue. Les négociations n'en sont qu'à leur début.
Funambulimse de rigueur !