Réforme SNCF : avant tout une histoire de gros sous !

Qui n’a pas été étonné par l'« urgence » à réformer très tôt brandie par le Gouvernement pour justifier sa réforme ? Urgence à rétablir la qualité de service ? Impossible d'aller plus vite que la musique ! Réforme ou pas, il est clairement établi que les problèmes de vieillissement de réseau mettront, dans le meilleur des cas, 10 années à être corrigés… Et durant une décennie, la régularité et la ponctualité des trains risquent d'être encore plus altérées. Que ces trains relèvent de la SNCF ou de tout autre opérateur privé… soit dit en passant.
Non, cette réforme et la précipitation avec laquelle le Gouvernement tente de la mettre en œuvre, répondent à d’autres enjeux. Comme écrit de longue date ICI et LA, la vérité est ailleurs. Il s’agit tout d’abord :
- De satisfaire l’orgueil du Président de la République, désireux de remporter un challenge qu’aucun de ses prédécesseurs ne s’est imposé ou n’a réussi à surmonter : remettre en cause les acquis des cheminots et casser ce qui reste de la SNCF.
- De profiter de la disparition du dernier bastion social pour lancer le plus rapidement possible des initiatives et autres réformes rétrogrades défavorables aux salariés, retraités, voire chômeurs qui ne trouvent pas d’emploi. L’annonce de « privatisation » future de grands groupes va notamment dans ce sens.
- De transférer une manne financière importante de la SNCF vers le secteur privé.
Pour comprendre l'ampleur de l'enjeu, il suffit d’examiner quelques chiffres :
Contrairement à une idée reçue, et malgré le poids important de la dette infrastructures qui lui est attribuée (environ 47 G€ relèvant de la responsabilité de l’Etat), la SNCF est régulièrement bénéficiaire : 567 millions d’euros en 2016. En 2017, le résultat net récurrent s’élève à 679 millions d’euros, dont une partie gagnée grâce à la forte productivité dégagée par les cheminots. La SNCF gagne de l’argent. Ses bénéfices sont fortement convoités par le secteur privé. Rappelons aussi, que le chiffre d’affaire du groupe SNCF s’élève à 33,5 milliards d’euros en 2017 (dont un tiers est réalisé à l’international).
Tous les ans, les Autorités Organisatrices versent à la SNCF pas autour de 5 milliards d’euros pour assurer les prestations TER et Francilien. Nul n’est besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre que ces contributions intéressent au plus haut point les grands groupes privés, avides d’en ponctionner le maximum et le plus rapidement possible. La véritable « urgence » à réformer se trouve là. Il s’agit, pour notre Gouvernement ultra-libéral, d’offrir le plus rapidement possible une partie de cette manne aux sociétés amies.
Ce qu’ignorent les usagers, c’est que l’ouverture à la concurrence, que le Gouvernement justifie par la mauvaise qualité de service rendue par la SNCF et les surcoûts qu’induirait le Statut de son personnel, ne se traduira pas par une baisse du prix des billets, bien au contraire. La stratégie du Gouvernement, c’est tous perdants !
Les prix des billets devaient « progressivement augmenter » selon une préconisation du rapport Duron,. Cette initiative sera menée en parallèle de la réforme. En Angleterre, le prix moyen des billets à augmenté de 114 % depuis le recours aux sociétés privées. Il a triplé sur certains itinéraires. Ajoutons à cela que malgré les dénégations du Premier ministre, la fermeture du tiers du réseau ferré belle et bien planifiée…
Que les français réfléchissent bien avant de s'associer au « racisme* professionnel » anti-cheminots que pratique et leur souffle le Gouvernement. Ils se tireraient une balle dans le pied. Si le dernier bastion social venait à tomber, la population toute entière serait amenée à en payer très tôt le prix fort. Le spectre de Thatcher n’est pas loin.
* définition du Larousse : Attitude d'hostilité systématique à l'égard d'une catégorie déterminée de personnes