La Réforme SNCF pour les Nuls : enjeux, stratégie, portée du conflit... en quelques lignes
La synthèse de la réforme, ses enjeux, ses impacts, les risques de conflits... résumés en quelques lignes...
La Réforme SNCF

But affiché
Améliorer le fonctionnement du système ferroviaire tout en en diminuant les coûts.
Enjeux réels
- L’orgueil et le prestige qu’Emmanuel Macron pourrait tirer d’une « victoire » sur des « obstacles » que ses prédécesseurs n’ont pas souhaité surmonter.
- La casse du dernier bastion social français en vue de faciliter la mise en œuvre de recul sociaux chez l’ensemble des salariés.
- Le transfert aux opérateurs privés des marchés TER (enjeu financier, notamment pour Transdev)
- Le contournement de l’obligation de désendetter SNCF Réseau, comme le prévoyait pourtant une directive européenne datant de 1991.
Méthodologie
- Arrêter en priorité les grandes lignes de la réforme (juillet 2017).
- Eviter tout débat public sur l’avenir de la SNCF avant la réforme.
- Livrer un alibi aux orientations déjà arrêtées (Rapports Duron et Spinetta).
- Valider implicitement et publiquement les conclusions de ces rapports.
- Annoncer une période de pseudo-concertation.
- Prendre ensuite acte des désaccords du personnel sur certains points majeurs mais se féliciter des avancées (mineures) obtenue grâce à la "concertation".
- Légiférer très rapidement pour éviter que des réflexions de fond ne viennent parasiter la démarche.
- Étendre la casse sociale au pays une fois le "barrage cheminots" franchi.
Stratégie
- Dénigrement répétitif de la SNCF et de son personnel (racisme professionnel).
- Manipulation de l’opinion publique : diffusion de postulats sur les acquis sociaux des cheminots, style « privilèges dépassés, personnel nanti, nécessité d’écrêtage des avantages pour une meilleure égalité sociale,… »
- Occultation délibérée des origines réelles des dysfonctionnements du système ferroviaires (suppressions de 2000 potes par an tous les ans, désorganisation interne imposée à la SNCF, poids de la dette de l’Etat, situation de concurrence déloyale depuis l’arrivée de la concurrence sur le réseau sans harmonisation sociale et économique préalable). Mise en avant fallacieuse d'autres facteurs, comme le Statut des cheminots.
- Mise à profit des récents incidents pour ternir l’image de la SNCF et justifier le recours au privé.
- Opposition des intérêts des salariés du public et du privé.
- Affichage d’une volonté de concertation une fois les décisions prises, puis mise en porte à faux des syndicats qui refuseraient de se prêter à cette nouvelle mascarade.
- Obtention du soutien tacite des syndicats d’accompagnement de la SNCF (qui pourraient prétendre, le moment venu, avoir obtenu quelques « avancée » sur les conditions de transfert des cheminots dans les entreprise privée).
- Exploitation des divisions syndicales qui fragilisent le front syndical SNCF depuis 10 ans.
Parmi les opposants
- Présidents des Conseils Régionaux bien conscients que le Gouvernement fait peser sur eux la responsabilité politique de la fermeture des « petites lignes », dont la maintenance ou la remise à niveau ne seront pas assurées par l’Etat.
- Usagers et élus locaux mécontents de voir leurs dessertes disparaître.
- Cheminots et organisations syndicales très fâchés de cette réforme, tant sur le fond que sur la forme.
- Quelques rares partis politiques : l’Opposition ne s’est pas construite au lendemain des Présidentielles.
Parmi les soutiens
- Tous les partis de Droite, notamment LREM et LR.
- Les entreprises privées impatientes de récupérer les marchés juteux.
- Le Patronat qui a intérêt à voir s’étioler les droits des salariés en général.
- Des usagers convaincus, sans doute à tort, que la situation s’améliorera avec l’arrivée des compagnies privées et qu’ils paieront moins cher leurs billets. Le Gouvernement prévoit justement le contraire !
Conséquences de la réforme
- Effondrement du système ferroviaire français.
- Fermetures du tiers du réseau ferré, nombreux transferts sur route. A terme, ne subsisteraient que les dessertes TGV des Grandes Lignes, le Francilien, et les TER desservant les grands axes (rapport Duron).
- Maintien de la SNCF comme dispositif de cantonnement de la dette infrastructure et comme structure d’investissement de l’Etat dans des projets ferroviaires jugés trop peu rentables par le secteur privé.
- Reculs sociaux sans précédent, à la SNCF d’abord, et ensuite imposés aux autres salariés de France.
SNCF : conflit important ou pas ?
- Contre un conflit important : la population cheminote et les mentalités ont évolué depuis 1995 : effectifs composés de 50 % de personnels d’encadrement (moins prompts à se mobiliser dans la durée) aujourd’hui contre 25 % en 1995. Montée en puissance de l’égoïsme et de l’indifférence aux causes collectives, individualisme, bobo-attitude… Division syndicale (aucun mouvement unitaire SNCF depuis 2009 !), montée en puissance du syndicalisme d’accompagnement peu enclin à s’investir dans des actions ou co-responsable de leurs échecs.
- Pour un conflit important : forte dégradation des conditions de travail de l’ensemble des cheminots, de l’exécution à l’encadrement supérieur, multiplication des exigences et autres pressions,ignoble dénigrement des cheminots de la part du Gouvernement, remise en cause sans précédent des acquis sociaux et de l’avenir même de la SNCF.
Détonateur et Dégâts collatéraux
Si le conflit prend de l’ampleur, ce sera essentiellement du fait de l’implication et de la mobilisation de cheminots en colère contre la réforme. L’union syndicale, comme en 1995, n’est pas à l’ordre du jour. Elle ne se réalisera, le cas échéant, que sous la pression des salariés.
L’ampleur et la bassesse des attaques lancées contre la SNCF et son personnel laissent craindre des dérives de comportement (au regard des annonces gouvernementales, les cheminots n’ont plus rien à perdre, ils ont tout perdu).
La politique du Gouvernement visera à exacerber les divisions syndicales, déjà bien réelles. Effet secondaire probable : la décrédibilisation de l’ensemble des structures. Soit le conflit ne s’amorce pas réellement, et le Gouvernement aura gagné son pari à court terme, soit il se prive des interlocuteurs indispensables à réguler un conflit. Et dans ce cas, le pire peut arriver.
Au regard des attaques qui sont et seront encore menées contre salariés, retraités,…et au vu du ras-le-bol qui monte de toutes parts, un conflit national généralisé pourrait survenir. Reste à savoir quand. Les ingrédients du cocktail explosif sont présents… S’ils se mélangent et frôlent une étincelle, la réaction en chaîne pour se produire : danger !
Par ses ordonnances de 2017, le Gouvernement a pris le parti de fragiliser les syndicats (diminution drastiques des Instances de Représentation du Personnel, baisse des moyens…). Il se prive ainsi à terme des seuls interlocuteurs en mesure d’encadrer un conflit.
Si la situation venait à mal tourner, plus rien n’empêcherait la France de sombrer dans le chaos. L’attitude du Président de la République est, à ce sujet, irresponsable.
Assisterons-nous le jour venu à un mai 68, une cinquantaine d’années plus tard ?