SNCF : Edouard Philippe, pompier pyromane ?

Publié le par Bernard Aubin

 Les voitures officielles devant l'entrée du CNO

 

« Allumer le feu » chantait il y a peu le regretté Johnny… que Jean-Cyril Spinetta pourrait bien remplacer bientôt. Son rapport sur le système ferroviaire, dont la parution fut reportée à quelques reprises, devrait enfin être livré ce jeudi. Et son contenu pourrait être pour le moins détonnant, car il impactera l’avenir de la SNCF et de son personnel. Nous ne reviendrons pas une nouvelle fois en détail sur la stratégie que dissimulent toutes ces réflexions, rencontres et assises, convaincus que la principale finalité de ces démarches est d’offrir au Gouvernement un alibi à des orientations arrêtées de longues dates. Distillés au compte-gouttes depuis des mois, les pièces du puzzle s'assemblent pour former une image peu sympathique du chemin de fer de demain. Un chose est sure : le sujet est brûlant car les menaces de conflit majeur n’ont jamais été aussi tangibles.

 

Plusieurs hypothèses sont en cause. Parmi elles, la transformation de la SNCF en Société Anonyme, l'externalisation de « Gares et Connexions », la filialisation de Fret SNCF, l'abandon de milliers de kilomètres de dessertes TER et de petites lignes, le transfert de personnel aux opérateurs ayant gagné les appels d’offre dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des lignes régionales, la hausse du prix des billets TER et Franciliens, la disparition du peu qui reste du régime spécial de retraite, le rognage du Statut et de la réglementation du travail… N’en jetez plus, la coupe est pleine… Et tout cela, sans la moindre contrepartie pour un personnel déjà bien malmené, si ce n’est la fierté de concourir au redressement d’une entreprise délaissée depuis des années par les politicards de tout bord…

 

Face à une situation qui risque rapidement de devenir explosive, le Gouvernement a décidé de faire mine d’entendre les cheminots du terrain… Mais de là à les écouter ? Le Premier Ministre a  rencontré hier, presqu'inopinément, plusieurs cheminots dans les locaux du Centre National des Opérations, situé à proximité immédiate de la Gare de l’Est. Il s’agissait d’un panel composé de 16 agents dont deux conducteurs de train, deux contrôleurs, un aiguilleur, trois agents de l'Equipement et deux chargés de l’accueil des Voyageurs. L’entretien a eu lieu à huis clos. Les journalistes sont restés sur leur faim, car aucune annonce notoire n’a été faite en amont de la publication officielle du rapport.

 

Mot d’humour d’Edouard Philippe : « Avant de prendre connaissance de ce rapport, il me semble intéressant de pouvoir évoquer avec les agents la façon dont ils voient à la fois la force du transport ferroviaire, les défis auquel il est confronté et les menaces peut-être qui pèse sur lui ». Bien sûr, son contenu constituera, pour le Premier ministre, une grande surprise… Et il ne manquera pas de confronter les préconisations du rapport avec les attentes des cheminots… Nous y croyons tous ! Pour parfaire la connaissance du monde ferroviaire, Matignon a annoncé que cette démarche sera « le premier moment d’une série de rencontres avec des acteurs du monde ferroviaire français dans les prochains jours et prochaines semaines ». Sauf qu’après la publication des réflexions de l’ancien PDG d’Air France KLM, les échanges risquent d’être plus houleux !

 

Edouard Philippe précise d’ailleurs que « la phase qui s’ouvre va exiger des décisions, ça il y en a aura, qui va exiger un débat, il y en aura, et un devoir d’explication de ce qui se passe à l’intérieur de la SNCF et de ce que nous souhaitons pour l’avenir du transport ferroviaire ». Celui qui ignore encore tout de ce qui sera préconisé sait cependant qu’il faudra décider et expliquer… Expliquer quoi ? Que l’Etat reprendra enfin à sa charge la dette qui est la sienne, qu’il plaidera en faveur du rééquilibrage des conditions de concurrences en faveur du mode ferroviaire, qu’il s’engagera à préserver les acquis sociaux de ceux qui malgré les réformes technocratiques, le désintérêt des gouvernements successifs, ont porté à bout de bras une entreprise à bout de souffle... ? Pour ce faire, les cheminots n’ont pas besoin d’une explication de texte, ils sauront apprécier l'initiative à sa juste valeur.

 

Tout porte donc à croire qu’hélas, les « décisions » n’iront pas dans le sens attendu. Oui, les cheminots sont dans l’attente de reconnaissance, de justice sociale, car des efforts, ils en livrent tous les jours et dans des conditions de plus en plus dégradées. Dans ce contexte, des attaques contre l’avenir de la SNCF et les acquis sociaux du personnel feraient l’effet d’une bombe… Ce dont le Gouvernement est conscient. Empreint d’une frénésie de réforme sarkosiste, le même a décidé de s’attaquer simultanément au statut des fonctionnaires… Pas sûr, dans ces conditions, que quelques pseudos manœuvres pédagogiques limitent le danger de conflit majeur. Seule la guerre que se livrent depuis plus d'une décennie les grandes confédérations syndicales lui offre l'impunité… pour l’instant ?

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