SNCF : balancetoncontroleur.com

Publié le par Bernard Aubin

 

Avant même la rencontre entre Ministre des Transports et dirigeants de la SNCF, Guillaume Pepy présentait les évolutions à venir de l’ « appli » SNCF. Il est vrai que ce logiciel connaît aujourd’hui rapidement ses limites. Lorsque tout va bien, les informations données semblent fiables. Mais en situation dégradée, lorsque le voyageur a vraiment besoin d'un soutien supplémentaire, les choses se gâtent très vite. Nous ne reviendrons pas sur la fonction « Waze du train » déjà évoquée sur ce blog. Nous aborderons un projet pour le moins douteux censé agrémenter nos Smartphones d’ici quelques semaines…

 

Pour élargir l’information livrée aux clients, de nombreux cheminots (contrôleur, vendeurs, agents d’escale,…) auront désormais la possibilité de préciser les motifs de retard d’un train : « Il sera possible par exemple d’indiquer qu’un train a été arrêté parce qu’un voyageur est malade et qu’une intervention des pompiers a été demandée par le contrôleur », déclara le Président de la SNCF en début d'année. Attention néanmoins à la fiabilité des éléments transmis par des agents, si sérieux soient-ils, qui ne disposeront pas forcément du recul nécessaire pour livrer la bonne info…

 

Une autre mesure, bien plus équivoque, est également entrevue. Les Voyageurs TGV pourront  bientôt « noter la qualité du service à bord ». Questions : la qualité du service, c’est quoi au juste ? Quel sera le personnel visé ? Comment préserver l’objectivité des réponses et poser les jalons indispensables entre ce qui dépend de l'exercice du service à bord, voire du professionnalisme des agents, et ce  qui relève de la responsabilité globale de la SNCF ?

 

Pour illustrer les inquiétudes qui gravitent autour de la mise en œuvre de cet outil, il suffit d’imaginer les commentaires ou autres notes que pourraient poster des clients confrontés à une situation dégradée. Un TGV s’arrête en plein champ plusieurs dizaines de minutes. Le contrôleur ne dispose d’aucune information. Il se limite à signaler aux voyageurs qu’il reviendra vers eux lorsqu’il en saura plus. Le client sera-t-il clément au reportera-t-il sa frustration, bien légitime, sur l’équipe de bord ? Notera-t-il le contrôleur ou, à travers lui, la SNCF toute entière ?

 

Autre exemple : un client qui voyage en situation irrégulière se fait contrôler. Notera-t-il favorablement le contrôleur qui lui redresse son tarif ? On pourrait l’espérer... si l’encaissement se fait avec le sourire ! Les toilettes du train sont bouchées, c’est encore le contrôleur qui va morfler ? Le bar TGV reste désespérément fermé, qui va payer ? Et finalement, le prix du billet est trop élévé, la "note" sera d'autant amputée.

 

On pourrait prolonger indéfiniment cette liste d’interrogations ou la résumer ainsi : l’équipe de bord ne risque-t-elle pas de devenir le bouc émissaire de toutes les rancœurs accumulées, parfois de longue date, contre la SNCF ? Ces agents ne deviendront-ils pas la cible idéale des usagers ? Le nouvel outil a-t-il vraiment pour vocation d’améliorer la qualité du service à bord  ou s'agit-il d’offrir aux clients mécontents des victimes expiatoires ?

 

Guillaume Pepy est fier de cette idée et l’assume avec force : « j’y suis très attaché avec mon équipe, avec Rachel Picard, en descendant d’un train, on peut donner son sentiment comme sur Trip Advisor, l’application permet de noter et de mettre quelques commentaires, et les personnels de bord recevront ces notations anonymes dans les quelques secondes qui suivent » précise-t-il.

 

Donner son sentiment… Instiller la compassion, provoquer le défoulement, attiser les rancœurs plutôt que d’en traiter les causes… On a connu un Guillaume plus inspiré. Cette fois, les limites de la décence ont été franchies. D’ici à ce qu’un cheminot lance en retour une appli, une page Facebook ou autre Twit baptisée « balancetonpepy.com », le Président récolterait alors la monnaie de sa pièce ! A-t-on vraiment besoin d'une guéguerre interne juste avant que le Gouvernement ne livre ses projets, élaborés en catimini, pour la SNCF et son personnel   ?

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