Incident SNCF à Montparnasse : plutôt que de polémiquer, se poser les bonnes questions !

Publié le par Bernard Aubin

 

Les Voyageurs au départ et à destination de Montparnasse jouent de malchance. Déjà cet été, le trafic avait été entièrement paralysé pendant plusieurs jours, le temps d’identifier l’origine des dysfonctionnements et de corriger les défauts. Le secrétaire d'Etat au ministère de l'Economie, Benjamin Griveaux, avait qualifié cette situation d’ «inconcevable». Il jugeait «La modernisation du réseau indispensable afin d'éviter qu'à l'avenir ce type de situation ne se reproduise». Sans peut-être avoir conscience que c’est peut-être justement l’excès de modernisation qui donne désormais à la moindre panne  une impact démesuré. Nous y reviendrons.

 

Une autre panne de grande envergure bloque la même gare depuis dimanche après-midi. La SNCF n’envisage une reprise que pour lundi. Une situation totalement inconcevable, pour les clients, d’abord, mais aussi pour les cheminots. Comment pourrait-on admettre, une nouvelle fois, que l’une des plus grandes gares de France reste paralysée aussi longtemps ? Selon le directeur de SNCF Transilien, Il s’agirait cette fois d’une « perte de télécommande des installations de sécurité » empêchant de «faire les itinéraires nécessaires et l'ouverture des signaux».

 

 

Les pannes d’installations ? Elles existent depuis que le chemin de fer existe !  Ce qui a changé, en revanche, c’est l’ampleur des répercussions. Sans en revenir à l’ère antédiluvienne des aiguilles et signaux commandés à pied d’œuvre, dont le dérangement ne pouvait impacter qu’un nombre réduit de trains cantonnés dans une zone géographique limitée, il serait bon de s’interroger sur cette inflation technique qui consiste à créer des postes d’aiguillages d’envergure phénoménale, sans qu’aucune solution de secours n’ait été prévue pour pallier les pannes de ces monstres.

 

Jadis assurée par des « enclenchements mécaniques », puis électromécaniques, puis à base de relais, puis à base de relais commandés par informatique, la sécurité des circulations (comprendre commande des itinéraires et des signaux) est désormais essentiellement gérée par ordinateur dans les grandes gares. L’évolution technique n’est pas critiquable en soi sous quelques réserves cependant :

  • Que les dispositifs mis en place soient fiables et sûrs. Force est de constater que depuis la généralisation de l’informatique sur les nouveaux postes d’aiguillage, un nouveau type de panne est apparu, le bug, qui le plus souvent paralyse la totalité des circulations dans le périmètre. Se pose alors la question du choix technique effectué. Le choix de la commande entièrement informatisée d'itinéraires est-il vraiment pertinent, compte tenu des aléas qu’il peut engendrer ?
  • Que les systèmes de commande soient doublés, de manière à pouvoir toujours assurer une partie de la circulation en mode dégradé. Or, l’ampleur et la durée des pannes affectant des postes informatisés démontrent l’absence, dans le cahier des charges et, a fortiori, dans la conception des postes, de dispositifs offrant la possibilité de reprendre en cas d'incident le contrôle d’une partie des installations.
  • Que les différents outils ne soient pas excessivement imbriqués, de manière à limiter l'effet "château de cartes" connu cet été à Montparnasse.

Les progrès de la technique permettent, certes, de gérer avec un personnel des plus restreints des périmètres de plus en plus larges. Le bon sens exige cependant de ne pas aller trop loin, compte tenu des difficultés à gérer les incidents sur des zones étendues à l'extrême. A trop convoiter le beurre et l'argent du beurre, à offrir aveuglement sa confiance à des techniques inabouties pour supprimer encore plus de personnel, la SNCF va finir par se brouiller définitivement avec sa clientèle !

La recherche de productivité maximale conduit, en cas d’incident, à des répercussions sur le trafic et les clients phénoménales !

 

 

Pour conclure

La généralisation de l’informatique dans les grands postes d’aiguillages est à l'origine d'un nouveau type de panne, inconnu par le passé : le bug. Contrairement aux dysfonctionnements affectant des postes de générations plus anciennes, cette panne ne touche pas une partie des installations mais la totalité. 1ère raison de la multiplication des paralysies massives des trafics que l'on commence à connaître.

Chaque « modernisation » d’installations se traduit par la construction de postes couvrant des périmètres ferroviaires de plus en plus importants. Une panne de ce genre d'outil affectera donc d’autant plus de gares et de trains… D’autant que ces nouveaux postes ne sont pas dotés de la possibilité de reprendre la circulation en mode dégradé. Modernisation mal maîtrisée : ponctualité attention, danger !

Une gestion des trafics plus concentrée, ce sont des conséquences plus importantes pour les clients en cas d'incident.

Face aux récentes paralysie d'une partie du réseau, il est temps de cesser les polémiques  stériles et autre coups de gueule médiatiques, d'où qu'ils viennent. Il s'agit, au contraire, d'aborder le volet technique si l'on souhaite vraiment trouver des solutions.

Il est devoir de la SNCF de réviser en profondeur le cahier des charges des postes d’aiguillages devant voir le jour, et de faire évoluer la conception de ceux qui sont en service, de manière à offrir une possibilité de gérer les circulations en mode dégradé.

Cet objectif est d'autant plus important que l’entreprise envisage de remplacer rapidement quelque 1500 postes d'aiguillages classiques par 16 postes régionaux informatisés… A défaut, quelque bugs par ici et par là, et la situation de Montparnasse toute la France connaîtra !

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Bernard: de bonnes choses bien dites, qui j'espére feront réfléchir nos grandes directions. Amicalement.
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