SNCF : Un récent décret permet désormais d'externaliser des lignes et des installations

Rares sont ceux qui l’ont vu passer. Plus rares sont encore ceux qui ont eu vent du moindre débat à ce sujet. Et pourtant ! En pleines assises sur les mobilités, alors le Gouvernement prétend s'inspirer des débats en cours pour inspirer la loi remplaçant la LOTI et réorganisant le système ferroviaire, un décret vient d'ouvrir une brèche sur la consistance même du réseau ferré. Il s’agit du décret 2017-1556 du 10 novembre 2017. Son intitulé est évocateur : « transfert de propriété du domaine public ferroviaire et diverses dispositions relatives au domaine public ferroviaire ».
La suite l'est plus encore. Le texte renvoie notamment à l’article 3114 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques : « Des transferts de propriété d'infrastructures ferroviaires ou d'installations de service appartenant à l'Etat ou à l'un des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l'article L. 2101-1 du code des transports peuvent être opérés au profit d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, compétent en matière de développement économique, à la demande de l'assemblée délibérante de celui-ci ».
Comprendre : une autorité organisatrice des transports, telle un Conseil Régional, peut demander à ce que lui soit transférée la propriété d’infrastructures ou d’installations ferroviaires appartenant à la SNCF. Cette possibilité est cependant assortie de deux réserves (art 3114, suite) :
- soit les lignes que la personne publique bénéficiaire utilise ou envisage d'utiliser pour organiser des services de transport de personnes sont séparées physiquement du reste du réseau ferré national
- soit il s’agit de lignes à faible trafic n'ayant pas été utilisées par des services de transport de personnes depuis plus de cinq ans.
Ces restrictions, apportées à la possibilité d’externaliser les lignes et installations de la SNCF, ne rendent pas pour autant le décret sans conséquences pour la SNCF. D’une part, parce que la notion de « faible trafic » peut être subjectivement appréciée, d’autre part, parce qu’au vu des récentes suppression de dessertes voyageurs par des AOT sur de nombreuses « petites lignes », celles-ci risquent de fait de répondre bientôt aux conditions du décret. A ce jour, selon certaines estimations, près de 4000 km de lignes seraient d'ores et déjà concernés.
Ainsi, non seulement les AOT auront la possibilité, dès décembre 2019, de faire appel à la concurrence pour l'exploitation et la maintenance des trains régionaux mais ces régions ou groupement de collectivités locales disposeront désormais d’une possibilité supplémentaire : reprendre à leur charge certaines installations et lignes ferroviaires appartenant aujourd’hui à la SNCF.
Certains y verront peut-être une opportunité pour le rail, espérant que des sociétés privées exploiteront de manière allégée ce que la SNCF (et les autorités organisatrices) ont parfois délibérément abandonné. Quid de la compatibilité de lignes entièrement sous une coupe privée avec le réseau national ? Qui de le cohésion du réseau ? Quid des transports de fret que certaines lignes pourraient encore assurer ? Quid des emplois de cheminots ?
Si discret soit-il, le décret 2017-1556, prolongement de la loi NOTRe de 2015, n’a rien d’anodin. Surtout si, à terme, il a vocation à être élargi. Pendant que certains discutent de mobilité lors des « assises » en cours, le Gouvernement agit,. Pas forcément dans le sens des intérêts de la SNCF et de son personnel ! Prochaine étape, le retour aux grands réseaux historiques ? La création de la SNCF avait justement pour vocation de rassembler ce qui était disséminé ça et là, pour aboutir à une meilleure efficacité aux meilleurs coûts.
80 ans après la création de l'Entreprise Publique, les références ne sont plus les mêmes. L'éclatement se profile à tous les étages... jusqu'à l’effondrement du système ? En Grande Bretagne, le retour tardif au bon sens a finalement coûté très cher au contribuable...