Le Gouvernement alimente une poudrière

L’actualité ferroviaire, c’est sans doute le risque de suppression de 3000 postes sur les 6000 que comptent encore Fret SNCF. Une activité qui, depuis l’ouverture du réseau à la concurrence marchandises sur décision de l’Europe ultralibérale, a perdu une dizaine de milliers d’emplois. Cette mauvaise nouvelle qui vient s’ajouter à tant d’autres :
- Refondation totale de la SNCF en 2018, dans le cadre d’une loi Mobilités qui remplacera la vieille LOTI, fondée sur un esprit de service public.
- Attaques sans précédents contre ce qu’il reste du Statut des cheminots : régime spécial de retraite, facilités de circulation, peut-être même organisation du travail et sécurité de l’emploi.
- Organisation des conditions de transfert des agents SNCF TER vers des entreprises privées dans le cadre de l’ouverture des marchés à la concurrence. Conditions qui, une fois qu’elles seront établies, pourront toucher d’autres agents… comme ceux du fret.
- Extension des recours à la sous-traitance, même lorsque les coûts de production des cheminots sont inférieurs à ceux pratiqués par certaines entreprises, dont les prestations laissent souvent à désirer.
- Coup d’accélérateur sur l’embauche hors Statut. La SNCF compte déjà plus de 10 % de contractuels qui ne bénéficient pas du Statut de cheminots, mais l’entreprise risque d’aller plus loin avec un recours plus régulier aux intérimaires. Nous y reviendrons dans un prochain post.
Certains évoquaient jadis la « privatisation rampante » de la SNCF. La différence, c’est qu’en 2018, le lièvre remplacera la tortue. La fin de l’histoire, on la connaît déjà : ni l’Entreprise, ni les cheminots, ni les clients ne sortiront gagnants de tous ces délires technocratico-libéraux.

Tous les signaux sont à l’orange. Le Gouvernement, le patronat, la direction de la SNCF usent et abusent de cette forme d’apathie post-présidentielles. Pourquoi ne pas en profiter : politiquement, toute forme d’opposition crédible a disparu. Et ce ne sont pas les gesticulations de certains, tantôt véhémentes, tantôt ridicules, qui changeront les choses.
Syndicalement, la montée en puissance de l’ « accompagnement » a fragilisé les rapports de force au détriment des intérêts des salariés. Division, exclusion, peaux de bananes se dissimulent derrière une unité toujours revendiquée par les plus grands. Face au Pouvoir, toute résistance semble être annihilée. Mais à force de trop tirer sur la corde, elle va finir par casser.
Cette situation n’est que le fruit des urnes. Les français ont démocratiquement choisi leurs représentants, à tous les niveaux. Mais ils aiment cultiver le paradoxe : on choisit une personne, un organisme, un représentant qui affiche pourtant clairement la couleur et on s’insurge ensuite contre sa politique. Pas très logique, mais c’est comme ça. Et la grogne commence à monter. Un jet d’extincteur ça et là et le calme est préservé... pour l'instant.
A la SNCF comme ailleurs, on charge la mule, on ne recule devant rien. Au point même de mentir effrontément aux médias. Facilités de circulation : on n’y touche pas ! Quinze jours après, on les remet à plat. Fusion de Fret SNCF avec VFLI, suppression de 3000 emplois : démenti catégorique. Deux jours après, la direction concède qu’une étude est en cours, et que la filialisation, ça peut être positif. Les reculs sociaux s’accumulent, tels des barils de poudre disposés çà et là. Et les provocations, répétées, pourraient bien y mettre le feu… ou pas.
Bien malin sera celui qui, sauf à lire dans le marc de café, pourra prédire jusqu’où Gouvernement et décideurs pourront aller… sans risquer une explosion sociale incontrôlée. Le seul élément tangible connu à ce jour, c’est que les barils de poudre s’accumulent. Des voix commencent à se faire entendre isolément, défiant l’ordre établi. Si elles venaient à se rencontrer, rien ne pourrait les canaliser. Pendant ce temps, le Gouvernement s’acharne à fragiliser encore des interlocuteurs qui, le moment venu, pourraient lui être bien utiles. Vanité, attention, danger !