L'unité, VITE, ou le chaos, BIENTÔT ?

La première loi travail, sous Hollande, avait fait converger les oppositions. Pas de quoi provoquer un véritable raz-de-marée mais quand même de quoi générer un sérieux vent de protestation. Avec Macron, une droite décomplexée a repris le pourvoir. Sauf qu’aujourd’hui, à l’inverse des schémas binaires d'antan, il n’y a plus d’opposition. Arrivé au second tour des présidentielles, le FN se voulait être le porte-parole des salariés. Sans doute plus par opportunisme que par conviction. Depuis, enferré dans les règlements de comptes internes, ce parti a disparu des radars. Pour sa part, le PS poursuit son inexorable déroute. Le PC ? Aux abonnés absent depuis des années… Que reste-t-il face à Macron ? Mélenchon ? A trop jouer sur les cordes de la provocation ou de l’abjection, ce Georges Marchais "intelligent" a lui-même ruiné une grosse part de sa crédibilité.
Pour défendre les salariés et autres travailleurs, il ne reste donc plus que les syndicats. Sauf que certains d’entre eux ont bel et bien accompagné les reculs sociaux. Lorsque les mêmes s’érigent aujourd’hui en défenseur de la veuve et de l’orphelin, ça sonne faux et ne draine pas les foules. Personne n’est dupe. Les observateurs auront en beau de se réjouir d’une union syndicale retrouvée, le temps d’une action aux motivations des plus diverses, force est de constater que celle-ci n’a pas fait long feu. La fracture du front social, provoquée en 2008 par la position commune CGT – CFDT – MEDEF – CGPME –Sarkozy, si elle n'est plus présente dans les esprits, n'est toujours pas consolidée. Or, sans unicité, pas d’efficacité. Tous s'empressent de l'afficher, de la revendiquer, et rarement de la pratiquer.
Trois actions ont eu lieu à la SNCF récemment. Deux grèves en septembre, un appel à la manifestation le 10 octobre. Tout cela dans un ordre dispersé sur fond de règlement de comptes intersyndicaux. Hormis des idéologiques parfois opposées, d’autres éléments sont facteurs de division. Ainsi, cette fâcheuse habitude de la CGT de décréter unilatéralement les dates et conditions d’une action, et de placer ses "partenaires" devant le fait accompli. Ce que d’aucuns, de plus en plus nombreux, n'acceptent plus. Au point même qu’un syndicat d’accompagnement a récemment pris l’initiative de déposer un préavis tout seul pour le 10 octobre. Vous allez voir ce que vous allez voir, promettait-il ! On a vu : le trafic n’a subi aucune perturbation, certainement à la plus grande satisfaction du syndicat majoritaire. Qui risque à son tour de vivre une amère désillusion : fait rare, la CGT appelle presque seule les cheminots à cesser le travail le 19 octobre. "Unité", ça voudrait dire qu'on est seul ?
Ces petits jeux ont assez duré. Il est temps de siffler la fin de la récréation car, pour les salariés, les enjeux sont conséquents. Au programme d’Attila (pardon, de Jupiter), la réforme de la formation et de l’assurance-chômage. Et lorsque l’on évalue l’impact des récentes ordonnances sur les droits des salariés, il y a vraiment de quoi être inquiet par rapport à ce qui nous attend. Idem à la SNCF. Souvenez-vous, en septembre, le Gouvernement lançait les « assises de la mobilité ». Sans doute une grand’messe, comme beaucoup d’autres du même style, destinée à valider sous couvert de débat public des orientations arrêtées de longue date : modification en profondeur de la SNCF, de son statut et de celui de son personnel, ouverture totale réseau à la concurrence, mise à mort de ce qu’il reste du régime spécial de retraite...
L’ancien PDG d’Air France KLM a été mandaté par le gouvernement. Jean Cyril Spinetta a reçu pour mission du Gouvernement d’ « imaginer un nouveau modèle pour le transport ferroviaire ». En clair, on efface tout pour créer du neuf. C'est pour début 2018 ! Angoissant… Les mauvaises nouvelles, tellement nombreuses et simultanées, n'attirent paradoxalement plus l’attention. Et l’on assiste face à tout ça une forme de résignation de la société… ou plutôt de refoulement. Une situation qui pourrait devenir dangereuse à terme, car à défaut de pouvoir exprimer ses oppositions ou sa révolte par les canaux habituels, le peuple pourrait être soudainement pris de convulsions suite à événement anodin. Une étincelle suffirait à mettre le feu aux barils de poudres qui s’empilent.
Et là, tout le monde pourrait être dépassé. L’ « opposition » politique, ou le peu qui en reste, les puissants syndicats, dont les attitudes sont sujettes à caution, en résumé tous les canaux d’expression habituels. C’est ainsi que naissent parfois des « coordinations » sans passé, sans avenir, sans revendications formalisées, sans capacité à négocier ou même à représenter réellement qui que ce soit. Ou alors des manifestations qui s’enlisent sans d’autres perspectives de sortie que l’usure. Mais il y a plus grave. Tous ces individus « dociles », ployant sous le poids des efforts des des contraintes diverses, pourraient un jour pas fait comme un autres se lever brusquement, simultanément, pour exprimer leur ras le bol. Une fois la réaction en chaîne lancée, plus personne ne serait alors susceptible de la canaliser et encore moins de l'arrêter. Tout le monde serait dépassé, Attila compris.
A trop tirer sur la corde, il finira par casser. Les filets de protection le sont déjà. Le risque est là, latent. Il sommeille. Peut-être l'éruption n'aura-t-elle jamais lieu, peut-être aussi se déclarera-t-elle sans prévenir. Mais dans ce cas, ça va faire mal, très mal, et à tout le monde. Attention, danger !