2018 : tsunami sur la SNCF et sur ses TGV

Publié le par Bernard Aubin

 

 

Lancées le 19 septembre, les « Assises de la Mobilité » ont pour but, officiellement, d'alimenter les réflexions  sur l’organisation et le développement des transports en commun de demain. A priori, le Gouvernement semblerait pétri de bonnes intentions. Une grande consultation nationale, complétée par des débats en région et des contributions par le Net n’offrirait-t-elle pas la meilleure perspective d’adaptation de l’offre à la demande ?

 

C’est ce que l’on pourrait croire de prime abord si les faits ne venaient pas entrevoir que, pour la SNCF, tout n’ira pas mieux dans le meilleur des mondes. Certes, la SNCF ne représente pas à elle seule l’ensemble des dispositifs de transports. Mais l'approche spécifique que lui réserve le Gouvernement dans le cadre des Assises a de quoi interpeller. L’Entreprise est à la fois concernée et exclue de cette consultation

 

Difficile d'écarter la SNCF de la problématique des transports, au vu du rôle qu’elle jour dans l’acheminement des voyageurs sur le territoire national, et plus particulièrement à Paris et dans sa banlieue. Pourtant, les sujets qui touchent à l'avenir même de l'Entreprise Publique tels que l’ouverture totale du réseau ferré à la concurrence ou l’avenir même d’une compagnie qui ploie sous la dette de l’Etat ne seront pas débattus, mais examinés de manière bien confidentielle.

 

Le Gouvernement a décidé de mener ces réflexions « en parallèle » des Assises. Cette lourde tâche à été confié à un expert… de l’aérien : Jean Cyril Spinetta. L’ancien PDG d’Air France KLM a pour mission de revoir le modèle économique ferroviaire, d’anticiper son ouverture à la concurrence et de définir une stratégie pour le ferroviaire à l’horizon 2030… Tout cela doit être mené en un temps record : la copie doit être rendue dès janvier 2018, pour aboutir à un projet de loi sur les mobilités la même année. Bigre !

 

L’on imagine l'énormité de la  tâche qui pèse sur les épaules de cet ancien haut dirigeant. Et, sans remettre en cause ses compétences, l’on peut raisonnablement douter de ses capacités à traiter efficacement, et dans de détail, de sujets aussi lourds et sensibles dans des délais aussi courts… sauf si…  Sauf si, une fois de plus, les grandes orientations en termes de transport, mais aussi en termes d’avenir de la SNCF étaient déjà arrêtées au plus haut niveau. Les Assises, comme la quasi-totalité de ces grands ’messes, n’offriraient alors qu’un alibi « démocratique » à des décisions arrêtées de longue date.

 

Voilà donc le travail de Spinetta considérablement allégé, au point que la restitution de son rapport arrivera vraisemblablement à l'heure...  Pas comme les trains souligneront les mauvaises langues ! Quid de la dette SNCF "infrastructures" (relevant de la responsabilité de l’Etat) ? Le Président de la République ne s’était-il pas déjà exprimé sur le sujet en juillet, proposant alors un « deal » scandaleux à un groupe de cheminots style « je reprends une fraction de la dette en contrepartie de la remise en cause de votre régime spécial de retraite ». En clair les agents de la SNCF  étaient invités à financer une dette qui n’était ni la leur, ni celle de leur entreprise, un gouffre financier relatif à la construction et à la maintenance d’un réseau ferré… désormais ouvert à la concurrence.

 

En langage Macron, cela s’appellerait du « foutage de gueule ». Réservons au Président de la République l’exclusivité de ses écarts de langage. De là à ce que sa proposition refasse surface dans le rapport Spinetta, assorti de piste de productivités telles que la casse du Statut...  Quid aussi de la partie émergée de l’iceberg, à savoir la problématique des transports en commun de demain ? Le hasard faisant bien les choses, le Gouvernement dispose déjà de quelques pistes sur le sujet. De quoi soulager les organes vocaux, les petits doigts, et les neurones de ceux qui espéraient en toute bonne foi contribuer à l’amélioration des mobilités.

 

Pouvait-on raisonnablement imaginer un seul instant qu’avec les moyens dont disposent les Ministères et autres collectivités locales, les besoins des voyageurs et les solutions n’avaient jamais été ni répertoriés, ni esquissés ?  Le fil conducteur, imposé lors de ces Assises se résume par  « exploitons mieux les dispositifs en place plutôt que d’envisager de nouvelles constructions coûteuses, parfois élitistes, et pas toujours rentables » Poser le problème de la sorte, c’est déjà y répondre.

 

Et cela va même plus loin. Souvenez-vous du vieux serpent de mer de la SNCF, après les fameuses « facilité de circulation » des cheminots ou le peu qui reste de leurs acquis… Mais si..., la rentabilité des TGV. Les premières lignes ont été construites sur fonds propres de la SNCF. Celles-là mêmes qui ont alimenté la dette que Macron veut faire payer aux cheminots. Mais depuis, l’Entreprise s’était faite plus pingre, une partie des factures des lignes plus récentes avait été prise en charge par les collectivés (mettons de côté les récents PPP). Un financement, en contrepartie d’un desserte capillaire.. en TGV bien sûr.

Pas rentable, asséna  la Cour des Comptes en 2014 ! Les "sages" proposaient  déjà de limiter les dessertes TGV aux grandes villes… Oubliant sans doute deux éléments essentiels au passage :

1) le contrat moral passé avec les autorités locales

2) l’une des raisons de la « non-rentabilité » de ces TGV : la hausse exponentielle des droits d’accès, justement du fait que la SNCF doivent financer via les péages, en lieu et place de l’Etat, les traites de la dette infrastructure. Demande-t-on aux camionneurs de financer la construction de l’ensemble du réseau routier ?

Eh oui, le TGV n'entre pas dans la catégorie des "services publics" offerts par la SNCF. C'est une prestation commerciale qui, aux yeux de la Cour, se doit d'être rentable. Qu'en pensent les collectivités qui, après avoir financé leur TGV, risquent de s'en voir dépossédées ?

 

La problématique des dessertes capillaires TGV vient d'accéder de nouveau au devant de la scène. « Les dessertes fines du TGV ont un impact non négligeable sur le modèle économique du TGV ... Pour faire un parallèle avec l'aérien, on ne dessert pas Brive avec un A380 », vient d'affirmer Elisabeth Borne.  Spinetta devra y réfléchir : « Vos travaux devront aider à préciser, pour les services à grande vitesse, le modèle de desserte à privilégier», précise sa lettre de mission. Alors, à quoi bon  débattre de tout cela ? Le Ministre des Transports, oublie, dans son exemple, de se poser la question "doit on refuser de faire atterrir l’A380 à Brive si la ville a contribué au paiement de cette desserte ?".

 

Plus on avance dans le temps, plus les interventions du Gouvernement dessinent les contours de ce que seront les transports – ferroviaires – en l’occurrence, de demain. Qu'ils fassent ou non l'objet de débats, qu'ils soient traités publiquement ou de manière confidentielle, le résultat sera le même. Ce qui a été décidé à l’avance sera appliqué. Que cela ait été proposé ou pas… Sauf que cette fois, l’alibi des Assises souffre un peu. La restitution, l’analyse, la traduction sous forme de projet de loi de leurs conclusions dans des délais aussi courts et sur des sujets aussi complexes sont tout simplement impossibles.

Macron a récemment déclaré faire ce pour quoi il a été élu. Jupiter (ou Attila) prouve qu’il peut même aller au-delà. En 2018, la SNCF tremblera. Peut-être pas qu'elle.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article