Malaise à la SNCF : une démission en cache une autre

Publié le par Bernard Aubin

 


Démissionnaire ou démissionné, le Président de SNCF Infrastructures vient de claquer la porte. Luc Lallemand exerçait ses fonctions depuis 2020. A sa charge, la responsabilité des quelque 30 000 kilomètres du réseau ferroviaire national et de près de 55 000 cheminots de cette Société désormais Anonyme.

Comme bon nombre de ses prédécesseurs, ce cadre dirigeant a été confronté à une équation irrésolvable : organiser d’une part la maintenance voire le développement d’un réseau vieillissant avec des crédits notoirement insuffisants, satisfaire les clients (opérateurs ferroviaires, autorités organisatrices des transports…) et atteindre l’équilibre financier de la SNCF en 2024.

Des « injonctions contradictoires » comme le notent bon nombre d’observateurs qui, au passage, oublient de souligner un précédent retentissant : le 19 février 2016, Jacques Rapoport, l’un des prédécesseurs de Lallemand, démissionnait lui aussi avec perte et fracas « pour raisons personnelles ».

Apparaissaient déjà en filigrane, dans le testament professionnel de l’intéressé, les véritables raisons de son départ : « la gestion d'infrastructures vieillissantes et de profondes transformations… dans une structure industrielle de la dimension et de la complexité de SNCF Réseau implique la présence d'un président disposant de la durée pour impulser et conduire une dynamique s'inscrivant nécessairement dans le temps ».

Du politiquement correct que l’on pourrait résumer à une impossibilité de gérer, déjà à l’époque, l’avenir d’un réseau avec une dotation largement insuffisante, comme venait de l'illustrer quelques dramatiques accidents ferroviaires.

Luc Lallemand vient donc d’emboiter le pas de l’un de ses prédécesseurs, confronté à un contrat de performance Etat-SNCF signé en juin 2022 particulièrement indigent. De l’avis d’une majorité d’observateurs, les 2,8 milliards annuels alloués au réseau sont notoirement insuffisants pour permettre une remise à niveau et juguler son vieillissement.

N'oublions pas non-plus le départ  plus ancien de Thierry Mignauw en 1999. L'ancien Directeur Général Délégué Infrastructures avait déjà démissionné pour des raisons pour partie identiques... Le poste occupé prend désormais des allures de siège éjectable !

La moralité de l’histoire : un des critères majeurs de sélection des directeurs ou présidents de la (ou des) SNCF est la capacité des prétendants à avaler les couleuvres. Second prérequis : exceller dans la pratique de l’illusionnisme au point de croire soi-même aux mirages.

Mais parfois, les ficelles deviennent si grosses que le meilleur prestidigitateur du monde n'est plus capable de les dissimuler. Les incantations politiciennes en faveur du rail s'effritent devant les réalités...

Et depuis que SNCF Réseau s’est muée en SA, son président est juridiquement responsable des éventuelles dérives financières d'une entreprise dont il ne maîtrise pas tous les leviers. Ca fait réfléchir !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article