6ème jour de grève : mécanisme et déroulement des conflits

Publié le par Bernard Aubin

 

En général, le conflit est l’une des suites possibles d’un désaccord entre deux partis. C’est aussi l’illustration de l’échec de négociations, voire de l’absence ou de l’inefficacité du dialogue social. Au sixième jour de grève d’une partie des salariés français, revenons sur les mécanismes internes aux conflits, les perspectives de sortie d’un mouvement, bonnes ou mauvaises.

 

  1. Émergence d’un conflit

En cas de désaccord entre deux parties, le conflit peut émerger ou non, en fonction du contexte. Dans un cas, la partie qui se sent lésée prend acte de son échec à avoir pu faire évoluer la situation. Elle envisage éventuellement  d’agir plus tard  ou autrement pour défendre ses intérêts. En revanche, si le contexte est tendu,  les personnes concernées sont prêtes à se mobiliser. Si, de plus, elles perçoivent les mesures envisagées comme une injustice, si elles se sentent humiliées, le conflit a cette fois toutes les chances d’éclater.

 

  1. Les points de désaccord – marge de négociation

A l'origine du conflit se trouvent des points de désaccord majeurs. Une négociation est-elle possible sur ces points fondamentaux ? Si oui, une sortie est envisageable dans le cadre soit d’accords gagnant-gagnant, soit selon une voie médiane déterminée lors des négociations. Sinon, c’est le rapport de force qui déterminera un gagnant et un perdant. Dans le cadre du conflit actuel, aucune marge de négociation n’a jamais été envisagée par le Gouvernement sur le principe même de la réforme qu’il compte mettre en œuvre. Il a donc délibérément choisi la confrontation.

 

  1. Evolution d’une grève et des conflits

En cas de désaccord traduit par des arrêts de travail importants, il est impératif de rechercher des solutions lors des 3-4 premiers jours de grève au plus tard… Par la suite, il sera trop tard. Le conflit va s’ancrer, l’hypothèse de négociations d’une sortie équitable va d’autant s’éloigner. La confrontation est inévitable. Le conflit peut ensuite se dégrader, se radicaliser, déborder, engendrer des tensions internes entre salariés qui laisseront des traces et compliquer les relations avec l’extérieur (journalistes…). Selon le résultat des actions menées, les comportements pourront osciller entre satisfaction, résignation, ou jusqu’au boutisme.

 

  1. Les impacts collatéraux des grèves et manifestations

Grévistes et manifestants estiment que leur mobilisation sera de nature, à elle seule, à peser sur les décisions de la partie adverse. Dans la réalité, c’est la conjonction de plusieurs éléments qui fait pencher la balance. A titre d’exemple, si le Gouvernement est prêt à entraîner des millions d’usagers dans la galère pour voir sa réforme aboutir, il sera peut-être plus sensible aux répercussions économiques d’un conflit qui rejaillissent sur tout le pays. De la même manière, tant que les manifestants défilent gentiment, on leur reconnaîtra leur droit à l’expression et même à la contestation.  Mais lorsque des groupuscules de casseurs viennent perturber le climat, tout détruire sur leur passage, c’est peut-être hélas ce type d’événement qui invite à réagir, voire à reculer et faire ainsi basculer l'issue d'un conflit. Enfin, l’opinion publique joue un rôle primordiale. A ce jour, elle soutient majoritairement les grévistes.

 

  1. L’après-conflit

A l'issue un conflit "conventionnel", il est envisageable de repartir sur des bases équilibrées qui respecterons les intérêts et les images des deux parties. Il est d’ailleurs impératif que personne ne se sente humilié, sans quoi les frustrations ne manqueraient pas de ressurgir à la première occasion, voire d’alimenter un nouveau conflit. En revanche, si avant même le début du conflit, il est acté qu’aucune négociation réelle ne pourrait avoir lieu, le conflit se transforme en combat « à la vie, à la mort ». Aucune issue favorable aux deux parties ne pourra alors être envisagée. Un tel conflit laisse toujours des traces dont le pays entier porte parfois longtemps les stigmates.

 

Conclusion : nous sommes dans le cadre d’un conflit dur, dans lequel chacun joue sa survie. Chacun est désormais condamner à aller jusqu’au bout. Particularité de ce conflit, avant même le 5 décembre, il était déjà trop tard pour l’éviter. Le sort en était jeté, il y a déjà plusieurs semaines.

Publié sur le même thème, il y a un mois : "grèves SNCF et ailleurs, 3 bonnes raisons de s'inquiéter"

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article