SNCF, les leçons à tirer de la grève sur l’axe TGV Atlantique

Publié le par Bernard Aubin

 

Le récent droit de retrait des conducteurs et contrôleurs hante encore les esprits. Suite à un accident impliquant un TER et un convoi exceptionnel à un passage à niveau, les cheminots avaient cessé le travail quelques jours. But :  attirer l’attention sur la nécessité de maintenir un second agent à bord des trains régionaux. Tout cela notamment pour garantir la sécurité des circulations et celle des usagers. Le Gouvernement s’en est très vite mêlé, provocant une belle pagaille. Au lieu de rechercher des solutions, il a immédiatement qualifié ce mouvement de « grève illégale » et a réclamé des sanctions. Juste avant que plusieurs inspecteurs du travail ne soutiennent la position des salariés. 

 

La paralysie du trafic TGV Atlantique résulte d’une autre cause. Depuis des années, la SNCF soumet ses salariés à des efforts de productivité toujours croissants, et sans contrepartie. Les salaires ? Bloqués depuis 5 ans. L’Entreprise ? Explosée par la réforme de 2018… Et les accords locaux ? Remis en question année après année. Car il fut un temps où les efforts demandés et consentis étaient récompensés dans le cadre de négociations gagnant-gagnant. Les douze jours de repos supplémentaires obtenus à Châtillon, c’était sans doute la compensation d’une charge de travail supplémentaire. Et lorsqu’une entreprise maintient cette charge et supprime la contrepartie, les esprits s’échauffent… Normal

 

Des situations équivalentes, il en existe d’autres à la SNCF et bien ailleurs. Elles provoquent la grogne et alimentent le feu sous les braises, jusqu'à l'incendie. Dans de telles situations, les syndicats ont longtemps joué le rôle de pompiers. Même les plus durs, ceux qui paraissaient parfois pyromanes. Qu'ils soient "révolutionnaires", "réformistes" ou d' "accompagnement", tous avaient l’avantage de canaliser les mécontentements, d’organiser les négociations et d’encadrer d'éventuelles ripostes. Deux Présidents de la République ont cru bon de modifier les rouages du dialogue social afin d'atténuer les résistances. Nicolas Sarkozy, tout d’abord. En modifiant les règles de représentativité syndicale, ce Chef de l’Etat a certes fragilisé l’opposition sociale mais au risque d'en perdre le contrôle.

 

Emmanuel Macron lui a emboîté le pas. Sa réforme a remis à plat les instances de représentations du personnel, et a drastiquement diminué le nombre de représentants des salariés. Les délégués qui ont survécu ont été éloignés du terrain et des problèmes quotidiens de leurs mandants. Ce Chef de l'Etat fut sans doute guidé par la même ambition que l’un de ses prédécesseurs : affaiblir encore la résistance à ses réformes. Sauf que les équilibres sociaux sont fragiles, et qu’à force de jouer les éléphants dans un magasin de porcelaine, les deux ont fini par tout casser. Si l'on ajoute à cette fragilité  des provocations et autres reculs sociaux, on rend le cocktail explosif.

 

Le débrayage des agents de Châtillon, quelque peu hors des clous, illustre bien cette situation.

  1. Contexte de tension, de provocations, de pressions, avenir professionnel et social compromis
  2. Baisse du nombre d’interlocuteurs syndicaux sur le terrain. Ces délégués auraient pu canaliser la grogne et rechercher des solutions, limitant ainsi le risque ou la portée des conflits
  3. Explosion spontanée de la grogne, quels qu’en soient les risques et les conséquences
  4. Risque d’embrasement général, tant les foyers se multiplient alors que les casernes de pompiers ont été délibérément fermées.

Autre exemple comparable, même s’il est intervenu sur un autre registre, le mouvement des Gilets Jaunes : spontané, incontrôlé, incontrôlable et très déterminé. Contre cela, les menaces de sanctions ne tiennent pas longtemps. Pas plus qu'une éventuelle instauration d'un service minimum coercitif. Tout juste ce genre de perspectives  alimenteraient-elles un peu plus le brasier. A force je jouer avec le feu, certains vont vraiment finir par se brûler.

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J
Excellente analyse !
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