Réforme SNCF : je suis POUR les ordonnances et j'assume !

Publié le par Bernard Aubin

 

Émouvant... cette chorale qui proteste à l’unisson contre les ordonnances Macron. Ou peut-être aussi contre la perspective d’éclater la SNCF, de vandaliser 80 années d’histoire ferroviaire et d’avancées sociales, sans même pour justification le moindre débat citoyen. Cette procédure n’a pourtant rien de dictatorial. Elle est parfaitement constitutionnelle, bien qu'en principe réservée aux situations d’urgence. 

La nécessité d’agir très rapidement nous a été clairement expliquée. Il faut faire vite, très vite... même si cela fait plus de 20 ans que les problématiques ferroviaires sont connues, révélées sur la place publique, et sujettes à la plus grande indifférence. Les trains roulent encore mais de plus en plus mal et le pire est à craindre : une paralysie spontanée de tous les trafics !

Explication : le train, c'est comme le yaourt. Que se passe-t-il donc dans le pot dans la nuit qui sépare la date de consommation de celle de péremption ? Mystère ! Par magie, ce qui est consommable la veille se transforme en poison le lendemain. Idem pour la SNCF. Si le Gouvernement n’agit pas très vite, du jour au lendemain, les trains vont brusquement s’arrêter, les banlieusards en seront médusés, TER, TGV et Intercités demeureront à quai. Vous n'y croyez pas ? C'est que vous êtes d'une parfaite mauvaise foi !

Heureusement, nos décideurs politiques préserveront, grâce à leur détermination,  les usagers de cette effroyable menace occultée par leurs prédécesseurs ! Macron, cheminots et usagers ne t'en remercierons jamais assez ! Au secours, des ordonnances, vite !!!!

L’on aurait pu espérer, et même croire que face à une menace sans précédent pesant sur l’Entreprise publique, et sur le monde salarial en général (ne soyons pas naïf de croire qu’Attila, pardon, Jupiter, s’en arrêtera là), les principaux syndicats de cheminots feraient fi de leur ambitions hégémoniques et s’échineraient à rassembler toutes les forces.  Ah, une belle union, un "tous ensemble" comme en 95... Ce mouvement qui, au delà des petites divergences, dépassa les contingences  pour défendre les intérêts de tous les  salariés... Un rêve qui appartient désormais au passé.

Cette fois, malgré l'importance des enjeux, nos "représentatifs" ont préféré se la jouer seuls, comme pratiqué depuis une dizaine d'années. Exit les 5 autres OS de la SNCF des interfédérales... Quand bien même la terre s’effondrerait sous les pieds de leurs mandats, les "gros" syndicats privilégieraient encore la division à l’action commune... avec des conséquences imaginables sur les mobilisations à venir.  Pour preuve, la dernière rencontre nationale fut une nouvelle fois organisée et tenue en comité restreint. Ceux-là même qui reprochent au Gouvernement un déni de démocratie feraient bien de balayer devant leur porte.

A gratter un peu la surface de leur union, pardon, leur « unicité » de circonstance, l’on découvre rapidement la triste réalité. Deux camps semblent d'ores et déjà s'affronter. Certains affichent clairement leur volonté d'en découdre, tandis que d'autres évoquent d'ores et déjà la possibilité d'éviter un conflit. Une  position incompréhensible face à l'ampleur et le périmètre des menaces. Côté Gouvernement,  les choses sont claires : la confrontation est envisagée, assumée avant même que ne débute la phase de "concertation". Mais il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Le « combat » mené contre la perspective de légiférer par ordonnance a-t-il vraiment un intérêt ?

Si oui, ce n’est pas forcément celui qui parait le plus évident !

Le piège est là, bien présent sous nos yeux !

Rappelons que l’avenir du rail français n’a fait l’objet d’aucun débat citoyen, mais a été exclusivement confié à l’ex PDG d’Air France KLM. Son rapport est censé servir de base à la rédaction de la future loi sur les mobilités et la consistance de la SNCF. Dans la réalité, comme indiqué à plusieurs reprises sur ce blog preuves à l’appui, ce n’est pas le rapport Spinetta qui inspirera la loi mais  bien les orientations du Gouvernement qui ont orienté ce dossier.

En clair, la Loi Mobilité est écrite depuis des mois, sans concertation, sans débat, mais avec l'alibi Duron-Spinetta.

Invitons, en toute humilité, les agités de la lutte anti-ordonnances à (re)visionner les débats  parlementaires sur l’avenir des Intercités… La charge désepérée des deux ou trois défenseurs du rail fut émouvante. Mais pas aussi impressionnante que ce brouhaha, cette indifférence d'un hémicycle tantôt brisée par les sarcasmes des libéraux. Certes, la composition de l’Assemblée Nationale a changé depuis : c’est pire ! L'Assemblée Nationale est devenue le repaire d'une écrasante majorité d'ultra-libéraux, ceux-là même à l'origine de la descente aux enfers des chemins de fer. Entre les députés qui ne savent pas ce qu’ils font et ceux qui savent très bien où ils vont, un débat n’offrirait AUCUNE perspective d’inflexion majeure des orientations gouvernementales, peut-être ajouterait-il même à l'humiliation des cheminots.

Côté Sénat, son Président évoque un « déni de démocratie ». Mais cette colère ne porte que sur la forme. L’un de ses confrères UDI  l’affirme avec force. Le Président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, martèle : « Si le gouvernement fait voter un texte, il pourrait avoir le soutien de la majorité sénatoriale et du Parlement sur ces sujets ». Les jeux sont faits !

Ordonnances ou pas, la loi passeraSauf bien entendu à être réellement et efficacement combattue par les cheminots, les salariés, les usagers et des Présidents de Régions qui seront tenus responsables de la fermeture des petites lignes.  Pour l'instant, ce pari reste à gagner !

Comment expliquer une telle levée de boucliers contre une simple modalité ? Pour certains, il s’agit évidemment d’exprimer une frustration, ou une simple blessure d’orgueil. Tandis que pour d’autres, cette perspective pourrait offrir une échappatoire le moment venu.

Qu’affichent désormais ostensiblement les syndicats d’accompagnement ? Une virulente opposition à l’éclatement de l’entreprise et à la disparition du Statut des Cheminots ? Non, ce sujet majeur est désormais éclipsé par un déchaînement médiatique contre les ordonnances. De leur côté, les menaces d’entrer en conflit ne portent donc plus sur le fond, mais sur la forme… Vous me voyez venir ? Et si le « méchant Gouvernement » venait finalement à accéder favorablement à ce qui est devenu leur principale préoccupation   ? Et si le même donnait suite aux récriminations du Parlement  ? Le "méchant" n’apparaîtrait-il pas  brusquement "gentil ", et ouvert d'esprit…  ?

Le renoncement aux ordonnances offrirait une porte de sortie idéale à tous ceux qui souhaiteraient échapper à la confrontation. A l’inverse, le maintien de cette approche autoritaire, puérile et inutile catalyserait les oppositions.  Ce que justement les gros syndicats, par opportunisme, n'ont pas vraiment souhaité réaliser... Au-delà de la problématique ferroviaire, l'obstination à légiférer par ordonnance pourrait même interroger certains « marcheurs » sur leur présence au sein d’un mouvement qui se sert d’eux plutôt qu’ils ne le servent. Finalement, une approche par ordonnances mobiliserait bien  plus largement que ne le feraient, à eux seuls, ceux dont c'est le métier...

Par pitié, Macron, maintient tes menaces… Elles construisent le meilleur rempart, celui que d'autres ne souhaitent ou ne veulent édifier, contre le massacre de la SNCF, des droits de ses salariés, et du service public rendu aux usagers ! Oui, ta démarche pourrait contribuer à amorcer et à élargir la mobilisation bien au delà d'une seule entreprise...

Ton attitude révélera à tous ton vrai visage, les vrais dangers de ta politique. Surtout, ne change rien ! Après avoir tué tes opposants, tu es en train de les ressusciter.

Soyons prêts !

 

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A
Au contraire Lionel, je dirais plutôt que cette analyse me semble mettre le doigt sur le machiavélisme politique qui est mis en place pour détruire la SNCF tout en prônant une stratégie de remise à flot de l'entreprise...
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C
Curieux cette opinion exprimée sur les syndicats "gros" mis dans le même sac! D’ailleurs "first" : qu' est-ce que c' est? " vieux militant " syndicaliste j’espérais une autre analyse sur l'action de chaque syndicat!<br /> Lionel couty
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