Le TER de Millas n'est pas censé rencontrer de problème de circuit de voie...
La rame Z2 (version 7300) impliquée dans l'accident
Les spécialistes des transports ferroviaires n’ont pas tardé à faire le lien entre l’accident survenu à Millas et les problèmes rencontrés par la SNCF il y a quelques années avec un certain matériel roulant. A ce stade, il est nécessaire de rappeler que les automatismes des passages à niveau français détectent la présence des trains lorsqu'une zone est occupée, et le cas échéant après avoir écrasé des pédales. En entrant dans une zone qui précède et suit le passage à niveau, le trains court-circuite les deux files de rail. Le système maintient les barrières fermées tant qu’il détecte ce court-circuit.
Un problème peut survenir au niveau de cette détection. Certaines circulations assurent mal cette liaison électrique, voire pas du tout. Elles sont, en principe, connues et identifiées comme telles. Les cheminots appliquent, dans ces cas de figure, des procédures strictes pouvant aller jusqu’à faire « garder » un passage à niveau par du personnel.
Un problème peut cependant se poser, lorsque le circuit de voie n’est pas assuré par une circulation qui n’est pas répertoriée comme assurant mal le circuit de voie. L’encrassement des rails, dû aux feuilles mortes, peut aussi poser problème sur des petites lignes, dans la mesure où il altère les contacts électriques…
Le cas particulier des X 73500
Ces « nouveaux » autorails (ils ont presque 20 ans) ont commencé à sillonner le réseau dès 1999. Très tôt, des conducteurs de ces trains été confrontés à des dysfonctionnements de signalisation, tandis que des aiguilleurs voyaient parfois les autorails disparaître quelques minutes de leurs Tableaux de Contrôle Optique.
Une situation d’autant plus préoccupante que la détection des trains par circuits de voies informe non seulement les automatismes des passages à niveau, mais aussi ceux des postes d’aiguillage.
La sécurité des circulations, notamment le fait qu’une aiguille ne puisse tourner sous un train, repose en grande partie sur la qualité de la liaison électrique entre le train et la voie qu’il qu’emprunte.
Les X 73500 sont réputés pour poser des problèmes depuis leur mise en service, sans qu’il n’aient été répertoriés comme tels. Le matériel a bien subi quelques corrections techniques, mais sans que cela n’améliore vraiment la situation. En était née une contreverse, voire un combat entre cheminots et leur direction. Les premiers allant jusqu’à invoquer leur droit de retrait pour refuser de conduire ces autorails, tandis que pour la SNCF, rien ne justifiait une telle attitude.
Accident et incidents
L’affaire prit une autre proportion lorsque la famille d’une victime d’un accident survenu en 2006 à un passage à niveau mit en cause le fonctionnement du passage à niveau… emprunté justement par un X73500. L’affaire n’est pas encore tranchée par la Justice. Condamnée en première instance, la SNCF a fait appel. Cet accident avait été précédé, en 2005, par un « déshuntage » en gare de Sainte-Pazanne. Cette anomalie avait occasionné le changement d'une aiguille sous l’autorail. Cette fois, seules quelques conséquences matérielles étaient à déplorer. Sentant le vent tourner, la SNCF avait a finalement pris des précautions…en 2015! Soit 16 ans après la première mise en circulation du X 73 500. En application des nouvelles mesures arrêtées en 2015, l'autorail circule obligatoirement en « unité multiple », soit 2 rames accouplées, pour garantir le fonctionnement normal des installations (ci-dessous, le post que j’avais rédigé en octobre 2015 sur le sujet).
Le TER DE Millas n’était pas un X73500 !
Les témoignages sont pour le moins controversés, même s’ils plaident majoritairement en faveur de l’état de fermeture des barrières au moment de l’accident de Millas. L’expertise des blocs moteurs des barrières irait aussi dans ce sens. Rappelons d’ailleurs une nouvelle fois que l’arrêt avant le passage à niveau n’est pas commandé mais confirmé par les barrières. C’est le feu rouge clignotant qui commande l’arrêt immédiat !
Même si des conclusions se profilent, il reste trop tôt pour affirmer quoi que ce soit. Si ce n’est que cette fois, le trains ne devrait pas, a priori, connaître des problème de « shuntage » dus à un défaut de conception. L’état du rail et des roues devront également faire l’objet d’analyse, afin de déterminer si leur conductibilité électrique n’était pas altérée.
Toujours est-il que dans le cadre d’un accident ayant occasionné 5 décès, de nombreux blessés et autres traumatisés, il reste normal voire indispensable d'examiner l’ensemble des pistes afin d'être en mesure de livrer, le moment venu, les conclusions les plus objectives possibles. Les polémiques lancées avant la fin de l'enquête sont particulièrement indécentes !
Post du "Hérisson du Rail" hébergé à l'époque par l'Obs
30 oct. 2015 16h15
SNCF : les problèmes des "X 73500" partiellement reconnus
73500 déraillé à l'entrée de la gare de Sainte Pazanne
L'autorail, climatisé et moderne, a pour particularité d'être extrêmement bruyant.
Parmi ses défauts, outre les problèmes de déshuntage, la mauvaise insonorisation de ses deux moteurs de camions placés sous les cabines de conduite.
A partir du 2 novembre, les X73500 devront circuler en Unités Multiples. En clair, cet autorail n’aura plus le droit de circuler seul. La décision vient de tomber. En cause, les problèmes récurrents de déshuntage présentés par ce matériel depuis plusieurs années. En janvier, le conducteur d’un de ces TER affirmait avoir traversé un passage à niveau toutes barrières ouvertes sur la ligne Bordeaux-Hendaye. Il ajoutait que le train avait disparu 7 fois des écrans de l’agent-circulation sur une distance de 11 kilomètres. La qualité de la liaison électrique que ce type de rame opère entre les deux files de rails est sur la sellette, depuis les premières mises en exploitation de ce matériel.
Sur le réseau ferroviaire, le court-circuit réalisé par les essieux entre les rails permet de localiser les trains. Sauf que certaines circulations assurent mal ce contact électrique. Celles qui sont connues pour poser cette difficulté sont répertoriées. Elles font alors l'objet de mesures spécifiques pour garantir un haut niveau de sécurité lors de leur passage. Il vaut mieux, car une bonne partie des installations exploite les informations ainsi puisées : postes d’aiguillages, passages à niveau, cantonnement (espacement des trains)… La « disparition » d’un train peut conduire les systèmes à l’ouverture de signaux qui doivent rester fermés, au changement d’un itinéraire au mauvais moment, à la réouverture précoce de barrières…
Les problèmes de déshuntage des autorails X 73500, construits par Alstom - De Dietrich et mis en service depuis 1999, sont pointés par les cheminots mais ont toujours été contestés par la SNCF. Les différents signalements opérés par les salariés étaient jusqu’à présent restés sans suite. Idem que des grèves menées sur ce thème et les divers "droits de retraits" déposés. Concernant l’incident survenu en Aquitaine, les experts de la SNCF avaient conclu que « ce déshuntage a résulté d'une pollution ponctuelle du rail. En l'occurrence, il a pu s'agir de terre, de feuilles, de rouille, de graines... en quantité importante, qui a rompu la continuité électrique entre les rails et le train ». Un autre incident, avec cette fois des dégâts matériels, est survenu depuis.
Les mesures qui entreront en vigueur dès le 2 novembre constitueront sans doute, aux yeux des lanceurs d'alerte, une première victoire. Et il y a fort à parier que la SNCF avancera qu’il ne s’agit pas là d’un aveu, mais d’une mesure de sécurité supplémentaire destinée à rassurer le plus grand nombre. Quant aux répercussions de ce fiasco technique sur le trafic ferroviaire des petites lignes, une question se pose : Unités Multiples... ou transfert sur route ? Pour certaines Régions, la justification du second choix est livrée sur un plateau !